Quand il se battait contre Hillary Clinton lors de la campagne des primaires démocrates, Barack Obama était devenu "le Messie". Celui qui allait faire de la politique autrement, pas comme ces vieux politiciens d'une autre génération. "Espoir", "changement", les supporters les plus acharnés du candidat à la présidentielle voulaient croire qu'un monde plus pur et plus juste allait émerger grâce au rayonnant Obama. Que celui-ci ait fait ses premiers pas en politique à Chicago qui n'a pas la réputation d'être la ville la plus saine et transparente en matière de vie politique, n'apparaissait qu'un détail.
Mais depuis que Clinton a été éliminée et qu'Obama n'a plus autant besoin de sa base (la gauche élitiste et aisée, les jeunes et les Noirs) pour faire la différence, il a commencé à virer vers le centre et à flatter les électeurs conservateurs. Et les grincements de dents commencent à se faire entendre. Il agace même une partie de l'électorat africain-américain qui a voté pour lui lors des primaires avec des scores dignes d'un dictateur. Le révérend Jesse Jackson, qui a été candidat aux primaires démocrates de l'élection présidentielle de 1984, sans succès, s'est ainsi plaint mardi dans un aparté avec un autre invité après avoir été interviewé sur la chaîne de télévision Fox News (pas de chance pour lui, le micro était ouvert) qu'Obama, parfois, "parlait avec condescendance aux Noirs". Lors d'un discours au moment de la fête des Pères en juin, Obama avait fait la leçon aux hommes noirs : "Nous avons besoin de pères qui réalisent que leur responsabilité ne s'arrête pas à la conception... Trop de pères sont portés manquants, absents de trop de vies et de trop de maisons". Ce discours avait été considéré comme destiné essentiellement aux Blancs, dont les préjugés à l'égard des Noirs avaient été ainsi confortés.
Il y a quelques mois, Obama proclamait "que les vieilles recettes de Washington pour faire campagne ne marcheraient pas" et qu'il fallait diriger "non pas en s'appuyant sur des sondages mais sur des principes: non par calcul mais par conviction".
Actuellement, Obama donne le sentiment d'être plutôt dans le calcul. Tous les responsables politiques sont comme cela, sauf qu'Obama a promis que cela ne serait pas son cas. Au cours des dernières semaines, il a apporté son soutien à la décision de la Cour suprême mettant en fin à une interdiction d'armes à feu à Washington qu'il avait auparavant soutenu, il a fait des déclarations pas très claires sur l'Irak (il a dit qu'il allait "affiner" sa stratégie quand il serait au pouvoir) et l'avortement, il est revenu sur sa promesse de n'utiliser que le financement public pour l'élection générale et sur sa promesse d'empêcher une législation sur les écoutes. Il s'est aussi montré favorable à la peine de mort pour les violeurs d'enfants, apportant son soutien aux juges les plus conservateurs de la Cour suprême.
Obama a déclaré cette semaine que les gens qui affirment qu'il vire au centre "ne l'ont pas écouté". "Et je dois dire que certains d'entre eux sont mes amis à gauche et certains viennent des médias. Je suis quelqu'un qui est sans aucun doute progressiste", a-t-il assuré.
L'éditorialiste du New York Times, Bob Herbert, qui a soutenu passionnément sa candidature lors des primaires, affiche toutefois sa déception. "Louvoyer vers le centre lors de l'élection générale est aussi classique qu'embrasser des bébés dans une campagne, et dieu sait que les démocrates ont besoin d'élargir leur coalition. Mais le sénateur Obama ne louvoie pas seulement doucement vers le centre. Il tangue à droite quand cela l'arrange et il zig zague de manière tellement téméraire que cela risque de créer de la déception."
En véritable politicien roublard, Obama calcule que ses supporters acharnés ne l'abandonneront pas en novembre même s'ils sont déçus par certaines de ses prises de position. Mais selon Herbert, Obama joue "un jeu dangereux pour un homme qui a attiré d'abord les électeurs en se présentant comme quelqu'un de différent".
jeudi 10 juillet 2008
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