Souvenez-vous. C’était il y a seulement deux mois. L’Obamania déferlait sur les Etats-Unis. Les médias américains avaient du mal à trouver leurs mots pour raconter la fascinante saga du candidat démocrate à la présidentielle Barack Obama, devenu « le Messie ». Tout semblait alors possible : la paix dans le monde, la prospérité économique, l’amitié entre les peuples et même entre les démocrates et les républicains aux Etats-Unis. « Yes, we can », scandaient en chœur les foules extasiées venues voir Saint Obama, qui se faisait même applaudir quand il se mouchait, dans une atmosphère quasi-religieuse. « Après que les gens l’ont entendu parler, ils disent qu’ils se sentent en paix », s’émerveillait un coordinateur de la campagne Obama dans l’Iowa. « Espoir », « changement » étaient les mots qui dominaient la campagne.
Quelques rares voix s’inquiétaient d’un début de « culte de la personnalité » mais personne ne prêtait vraiment attention à ces empêcheurs de tourner en rond. Toutes les critiques semblaient glisser sur Obama teflon. Dans les débats, il apparaissait impérial face une adversaire Hillary Clinton tentant de l’attaquer de manière désespérée. Hillary se plaignait, en vain, de son traitement par les journalistes, tandis que Barack prenait avec détachement ses critiques et pouvait affirmer, sans grand dommage pour lui, qu’elle « menait une campagne magnifique ».
Le temps depuis a fait son œuvre et après sa troisième défaite consécutive (Ohio, Texas et Pennsylvanie) mardi 22 avril face à Clinton, le ton a définitivement changé et les doutes ont commencé à s’enraciner dans la tête des démocrates. L’image de Barack Obama s’est affinée, nuancée à mesure que les facettes de cet homme politique se sont révélées au grand public qui le connaissait jusqu’alors assez peu. Il a su éviter le qualificatif « d’homme noir en colère » qui aurait pu le frapper avec la polémique sur les propos incendiaires de son pasteur Jeremiah Wright, grâce à un brillant discours sur les divisions raciales aux Etats-Unis. Mais, il a du mal à rester « le Messie », si ce n’est pour les plus fervents de ses partisans. Avec ses propos sur l’amertume des petites gens qui se raccrochent à la religion et aux armes à feu, il est apparu comme un snob élitiste, portant un regard détaché, tel un anthropologue, sur les difficultés rencontrées par la classe ouvrière. Et un nouveau surnom est apparu : Snobama.
L’éditorialiste du New York Times Maureen Dowd qui assimilait début février le combat entre Clinton et Obama à celui entre « l’ombre et la lumière » (« Darkness and light »), est aujourd’hui beaucoup moins enthousiaste concernant son homme providentiel. « Hillary brille de plus en plus et Obama palit de plus en plus. Est-ce qu’elle le vide de ses précieux fluides corporels ? Le vide-t-elle de sa magie ? Siphonne-t-elle son aura? Il était un temps où il était incandescent et elle était tout simplement haineuse. Maintenant, elle est pleine de force vitale et il semble avoir envie de s’enfuir pendant trois mois tout seul et fumer. »
Signe que les choses ne vont pas bien pour Obama, l’ancien conseiller du président George W. Bush, le vénéneux Karl Rove, a jugé utile de lui donner quelques conseils pour lutter contre cette image élitiste. Dans un point de vue intitulé « Cher sénateur Obama… » et publié ce week-end dans le magazine Newsweek, il lui suggère notamment de travailler plus sérieusement au Sénat. Comme conseil d’ami, on peut faire mieux. Cela ne fait que renforcer l’image d’un Obama beau parleur mais manquant de substance.
La campagne Obama n’est pas restée sourde aux critiques. Depuis sa défaite en Pennsylvanie la semaine dernière, elle tente d’atténuer son image élitiste. On l’a vu jouer au basket (mieux qu’au bowling, où il avait fait un score jugé catastrophique), aller à l’église, préférer aux grands meetings les rencontres en petits comités où il écoute les gens au lieu de leur faire des prêches. Le candidat insiste aussi davantage sur le fait qu’il a été élevé par une mère célibataire.
Hillary Clinton en revanche a réussi à modifier son image de « femme de Bill Clinton », « d’ex-First Lady », de « féministe assoiffée de pouvoir ». Elle est devenue « une battante », « une femme qui travaille dur », proche des préoccupations des femmes de la classe ouvrière, ce qui peut paraître paradoxal de la part de quelqu’un qui a déclaré aux impôts avec son époux Bill plus de 100 millions de dollars de revenus entre 2000 et 2007 et a étudié à Yale, une des universités américaines les plus élitistes.
Quant à John McCain, comme les médias ne s’intéressent pas beaucoup à lui pour l’instant, il continue à bénéficier de l’image positive de « non-conformiste ». Cela ne pourrait peut-être pas duré.
lundi 28 avril 2008
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