jeudi 31 janvier 2008

Reagan, es-tu là?

L’esprit de Ronald Reagan flotte sur la campagne présidentielle américaine. Côté républicain, rien de surprenant que les mânes du champion de la politique du laissez-faire soient invoqués. Mitt Romney se présente comme le successeur spirituel de celui qui a présidé au destin de l’Amérique de 1981 à 1989 mais il n’est pas le seul à se présenter comme le meilleur héritier de l’ancien président. Lors du débat républicain mercredi en Californie à la Bibliothèque présidentielle Reagan (depuis 70 ans, les présidents américains ont chacun une bibliothèque où sont conservés les documents de leur présidence), les candidats n’ont cessé d’évoquer le Grand Homme, décédé en 2004, beaucoup plus d’ailleurs que l’actuel président George W. Bush, guère populaire actuellement aux Etats-Unis (il compte sur l’Histoire pour se rattraper un jour).

Tels des disciples faisant allégeance à la veuve de l’ancien leader décédé (Nancy Reagan assistait au débat), ils ont tous chercher à montrer qu’ils étaient Reagan-compatibles. « J’ai participé à la révolution Reagan », a clamé John McCain. « Il n’y aucun doute dans mon esprit que Ronald Reagan aurait signé et voté cela », a dit Mitt Romney, qui a ensuite reproché à McCain d’avoir utilisé contre lui « des sales petits tours qu’à mon avis Ronald Reagan aurait trouvé condamnables ». Quant à Mike Huckabee, avec un ton de prédicateur, il a appelé les Américains à « retrouver l’esprit Reagan. C’est cet esprit (…) qui nous fait aimer notre pays, que nous soyons démocrates ou républicains ».

Le plus étonnant dans cette campagne, c’est que même les candidats démocrates, bien qu’ils s’en défendent, cherchent à récupérer un peu de l’héritage de Reagan, leur ennemi juré pendant des années. « Je pense que Ronald Reagan a changé la trajectoire de l’Amérique ce qui n’a pas été le cas de Richard Nixon ni de Bill Clinton. Il a nous placé sur un chemin complètement différent parce que le pays était prêt pour cela. … Il a compris ce que les gens sentaient déjà, que nous voulions de la clarté, de l’optimisme, un retour au dynamisme et à l’esprit d’entreprise qui avaient manqué », a déclaré Barack Obama au Reno Gazette-Journal.

Certains démocrates s’en sont étranglés. John Edwards, qui vient d’abandonner la compétition, a assuré qu’il n’utiliserait « jamais Ronald Reagan comme un exemple pour le changement » et accusé l’ex-président d’avoir « causé ouvertement un tort extraordinaire à la classe moyenne et à la classe ouvrière ». Open Left, un site web « d’information et d’action » progressiste en était tout retourné. « Il est extrêmement perturbant d’entendre non pas que Obama admire Reagan, mais pour quelles raisons. Reagan n’était pas un optimiste heureux encourageant l’esprit d’entreprise mais un homme politique malin qui a utilisé le reflux du mouvement des droits civiques pour catapulter les conservateurs au pouvoir », écrit Matt Stoller, l’un des fondateurs du site.

Accusé par Hillary Clinton d’avoir été positif à l’égard de Reagan, Obama a contre-attaqué en l’accusant d’avoir rendu hommage Reagan dans un livre écrit par le journaliste de télévision Tom Brokaw. « Il pouvait appeler l’Union soviétique l’empire du mal et ensuite négocier dans accords de contrôle des armements. Il savait très bien trouver un équilibre », dit-elle, citée dans le livre.

Ayant de la suite dans les idées, Obama s’est dit « impressionné » par le président français Nicolas Sarkozy, le chantre d’un dynamisme économique retrouvé, dans un entretien paru jeudi dans Paris Match. A en faire perdre son latin à la gauche intellectuelle américaine, grande supportrice d’Obama, et à la gauche française.

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