Le révérend Jeremiah Wright a été le conseiller spirituel du candidat démocrate à la présidentielle Barack Obama. Mais, il n’avait rien de spirituel lundi lors d’une longue conférence de presse à Washington dont il a été la vedette. Paranoïaque, égocentrique, amateur de la théorie du complot, il s’est rappelé au bon souvenir d’Obama qui n’en demandait pas tant. Wright était pourtant resté plutôt discret, semblant vouloir ne pas faire du tort au candidat après la polémique suscitée en mars par des extraits d’anciens sermons controversés.
« Le révérend Jeremiah Wright est allé à Washington lundi non pas pour saluer Barack Obama mais pour l’enterrer », écrit sombrement Bob Hebert, éditorialiste au New York Times. « Pourquoi, s’il est impliqué si passionnément dans la libération et l’élévation des noirs, cherche-t-il tant apparemment à couler la campagne du seul Africain-américain qui ait jamais eu une réelle chance de devenir président ?… Il réussit à diminuer la stature du sénateur Obama ». Les déclarations de Wright tombent en effet mal pour Obama qui cherche à prouver qu’il peut séduire la classe ouvrière blanche alors qu’il doit affronter son adversaire démocrate Hillary Clinton lors de primaires le 6 mai en Caroline du Nord et dans l’Indiana.
En mars, les Américains avaient découvert le révérend dans des extraits vidéo qui circulaient sur le net. Il maudissait son pays (“ Que Dieu maudisse l’Amérique pour ne pas traiter nos citoyens comme des êtres humains »), déclarait que le 11-Septembre était le résultat de la politique étrangère américaine et que le gouvernement américain avait créé le sida pour maintenir les gens de couleur dans la pauvreté. Ces extraits avaient suscité la polémique mais les partisans d’Obama les avaient alors minimisés en disant qu’ils étaient sortis de leur contexte et que les propos étaient caricaturés. Barack Obama, qui est membre depuis 20 ans de l’église du révérend Wright à Chicago, avait réussi à canaliser la polémique en prononçant un brillant discours sur les divisions raciales aux Etats-Unis. Il avait aussi trouvé des excuses à son mentor, affirmant qu’il connaissait une autre facette de l’homme : « Aussi imparfait qu’il puisse être, il a été comme une famille pour moi… Je ne peux pas davantage le renier que je ne peux renier ma grand-mère blanche… qui a proféré à plusieurs occasions des stéréotypes racistes et ethniques qui me hérissaient ».
Lundi, le révérend Wright, qui a fait trois apparitions publiques en quelques jours, s’est attaché à défendre les traditions de l’église noire. Mais ce qui a été retenu est qu’il a accusé une nouvelle fois les Etats-Unis de terrorisme, a répété que le gouvernement avait créé le virus du sida pour éliminer les gens de couleur et n’a pas renié ses sermons où il déclarait « Que Dieu maudisse l’Amérique ». Il a affirmé que Louis Farrakhan, le leader controversé de la Nation de l’Islam accusé d’avoir tenu à de multiples reprises des propos racistes, antisémites et homophobes, était “l’une des voix les plus importantes du 20ème et 21ème siècles”. Il a assuré qu’Obama n’avait pas pris ses distances avec lui et que si le candidat avait condamné ses propos, c’était pour des raisons politiques : "Les responsables politiques disent ce qu’ils disent et font ce qu’ils font en fonction des élections, des petites phrases et des sondages ».
Signe de son malaise, Obama s’en est pris à deux fois pour faire face au coup d’éclat du pasteur. Lundi, l’argument a d’abord été qu’il ne contrôlait pas ce qui disait le révérend. « Je pense certainement que les trois derniers jours indiquent que nous ne le coordonnons pas, n’est-ce pas ? … Il est évidemment libre de s’exprimer ». Le candidat a aussi critiqué ses adversaires et les médias pour passer trop de temps à remâcher les mêmes choses sur Wright. Mais mardi Obama est revenu à la charge. Et cette fois-ci il a été plus ferme : « Je suis scandalisé par les propos qui ont été tenus et attristé par le spectacle que nous avons vu hier… Je trouve ces propos révoltants. Ils sont en contradiction avec tout que ce que je suis et ce pour quoi je me bats ».
Et le 6 mai, sa conclusion pourrait être : Que dieu maudisse Wright.
mercredi 30 avril 2008
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1 commentaire:
Quoi qu'on puisse penser du pasteur Wright, Obama porte une part de responsabilité. Il a eu l'occasion, lors de son fameux discours sur les races, d'appeler un chat un chat et donc de condamner fermemment les propos de Wright. Au lieu de cela, sans doute pour rassurer son électorat noir, il a fait une (brillante)leçon de choses sur le post racisme... qui a plu à l'élite des médias et... laissé sur sa faim l'électeur Blanc moyen. Résultat, le serpent de mer refait surface car Obama n'a pas réglé le contentieux. En Amérique comme en France, les gens veulent de l'authenticité chez leurs candidats. Et surtout savoir ce que Wright a vraiment mis dans le crâne d'Obama depuis 20 ans. Tant qu'il n'aura pas répondu, Wright et ses sermons viendront pourrir sa campagne...
Olivier
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