Les Etats-Unis vont-ils devenir la « Nation Hapa » si le candidat démocrate Barack Obama est élu à la Maison Blanche ?
L’expression « hapa » vient d’Hawaï et désigne les gens aux origines métissées (littéralement half-part en anglais). Le terme se décline sous toutes les couleurs : hapa haole (en partie blanc), hapa kanaka (en partie hawaïen), hapa popolo (en partie africain-américain), hapa pilipino (en partie philippin), hapa pake (en partie chinois), hapa kolea (en partie coréen)… A l’origine, l’expression était péjorative et raciste mais son sens a été détourné et elle est désormais revendiquée avec fierté par de nombreux Hawaïens. Elle est devenue aussi populaire en Californie où les Américains ayant une ascendance asiatique sont nombreux et chez des métis de toutes origines dans le reste des Etats-Unis.
Selon les chiffres du recensement de 2000, sept millions d’Américains s’identifient comme métis. C’était la première fois qu’il était possible de s’identifier ainsi, ce qui montre combien les Etats-Unis ont encore du chemin à faire pour intégrer la notion de métissage. Hawaï est l’Etat où le pourcentage de la population déclarant appartenir à « deux races ou plus » est le plus élevé (21,4%), suivi par la Californie (4,7%, soit plus de 1,5 million de personnes), l’Etat de Washington (3,6%), l’Etat de New York (3,1%), le Texas (2,5%) et le New Jersey (2,5%). C’est la « Nation Hapa », à laquelle fait référence Peggy Orenstein dans un article publié il y a quelques jours dans le New York Times. Elle est mariée à un Japonais-Américain, avec qui elle a eu une fille. “La plupart des Américains regardant la campagne de Barack Obama, même ceux qui ne le soutiennent pas, sont sensibles à la signification historique d’un président africain-américain. Mais pour des parents comme moi, Obama, comme premier candidat métis, symbolise aussi quelque chose d’autre : l’avenir de la question raciale dans ce pays », écrit-elle.
La notion de métissage n’existe guère dans la société américaine, comme le montre l’expression « la règle d’une goutte » (the one drop rule). Cette expression signifie que si vous avez au moins un ascendant africain aussi éloigné soit-il dans votre arbre généalogique, vous êtes considéré comme noir aux Etats-Unis, même si vous êtes très clair de peau. Il faut rappeler également qu’au début des années 1960, les mariages mixtes étaient encore illégaux dans une quinzaine d’Etats américains. La création de la catégorie « métis » dans le recensement en 2000 avait suscité les critiques de la grande organisation américaine de défense des droits des noirs, la NAACP (Association nationale pour la promotion des gens de couleur), qui craignait que la communauté noire, où très peu de gens ont une ascendance à 100% africaine (l’histoire de l’esclavage, c’est aussi les viols des esclaves par les propriétaires blancs et les enfants qui en sont issus), ne pâtisse au niveau des aides financières de la création de cette nouvelle catégorie.
Né d’un père africain et d’une mère américaine blanche, Barack Obama est un métis. Mais l’appartenance à la « Hapa nation » n’a apparemment rien d’évident pour lui comme le montrent ses relations avec le pasteur Jeremiah Wright. Obama a choisi il y a 20 ans d’appartenir à une église qualifiée d’afro-centrique et dont le pasteur tient des sermons incendiaires, où il accuse notamment les blancs d’avoir inoculé le sida aux noirs.
Comme le souligne Janet Daley dans un article publié dans le quotidien britannique The Daily Telegraph, le choix d’Obama de devenir membre de cette église s’explique sans doute par son profond désir d’appartenir à un groupe. S’il s’est approprié l’histoire de la communauté noire américaine qui n’est pas celle de sa famille (l’esclavage, la ségrégation, la discrimination, la pauvreté…), c’est la conséquence, selon elle, du « besoin désespéré qu’ont les Américains de sentir qu’ils font partie d’une identité culturelle et ethnique partagée leur donnant le sentiment d’avoir des racines et une appartenance dans le vaste flux sans cesse changeant d’un pays qui est une nation mais pas un peuple ». « Il voulait une communauté qui pouvait l’envelopper et lui donner le sentiment qu’il faisait partie de quelque chose d’identifiable ».
Dans la course à la Maison Blanche, Obama s’est présenté comme issu de la "Nation Hapa » pour mieux convaincre l’électorat blanc mais ce monde métissé est encore tout petit et ne réussira peut-être jamais à véritablement percer aux Etats-Unis. Le coup de projecteur sur ses relations avec le pasteur Wright a montré qu’en réalité il a préféré s’intégrer dans la communauté noire. « Barack Obama a commencé sa campagne pour la présidence comme un candidat qui se trouvait être noir. Maintenant il est un homme noir candidat à la présidence », relève Janet Daley.
Alors, peut-être une fois élu président, Obama franchira-t-il le pas et assumera vraiment son appartenance à la « Nation Hapa ».
mardi 25 mars 2008
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