Si vous voulez impressionner votre entourage lors d’une conversation sur la campagne présidentielle américaine, parlez d’un air entendu des « Reagan démocrates » et vous aurez tout de suite l’air d’un spécialiste. Bien évidemment, vous pourriez parler plus simplement et évoquer la classe ouvrière qui se détourne de la gauche. Mais jouer l’expert réclame la maîtrise d’un certain jargon.
Ces « Reagan démocrates » sont des électeurs, appartenant notamment à la classe ouvrière blanche du nord des Etats-Unis, qui ont fait défaut aux démocrates lors des élections présidentielles en 1980 et 1984 et ont élu le républicain Ronald Reagan (la classe ouvrière noire, quant à elle, est pour l’instant toujours restée fidèle aux démocrates). Ils sont souvent plus conservateurs sur les questions de sécurité et d’immigration que le reste des démocrates. L’expression a été popularisée par le spécialiste des sondages Stan Greenberg, ancien conseiller des campagnes de Bill Clinton, Al Gore et John Kerry, dans une étude réalisée en 1985 dans le comté de Macomb, au nord de Detroit dans le Michigan, où il y a beaucoup d’ouvriers syndiqués de l’industrie automobile. Ce comté a voté à 63% en 1960 pour le démocrate John Fitzgerald Kennedy mais à 66% pour le républicain Ronald Reagan en 1984. Selon Greenberg, ces électeurs ont alors estimé que les démocrates ne s’intéressaient plus à eux mais s’occupaient des très pauvres, des chômeurs et des Africains-Américains.
Les « Reagan démocrates » sont considérés comme de plus en plus cruciaux pour le candidat démocrate Barack Obama, qui n’a pas réussi pour l’instant à les convaincre de sa candidature. Les victoires successives de son adversaire démocrate Hillary Clinton dans l’Ohio, en Pennsylvanie, dans l’Indiana, enVirginie Occidentale et dans le Kentucky ont montré qu’Obama, accusé d’être élitiste par Clinton, avait du mal à séduire ces « Reagan démocrates ».
Obama pourrait toutefois tirer partie de ses talents de grand communicateur, comme Ronald Reagan, pour séduire les républicains modérés, profondément déçus (c’est un euphémisme) par la présidence de George W. Bush (la guerre en Irak, la catastrophe de Katrina à La Nouvelle-Orléans, l’économie qui va mal…). Le livre de l’ancien porte-parole de la Maison Blanche Scott McClellan, « What happened », qui accuse Bush d’ « aveuglement » et le gouvernement d’avoir utilisé une « campagne de propagande » agressive pour faire accepter la guerre contre l’Irak à l’opinion publique américaine ne peut que qu’accroître la désaffection de ces électeurs républicains. Ils seraient d’autant mieux accueillis par Obama que celui-ci ne cesse d’invoquer la fin des divisions politiques et de tendre la main à l’autre camp (les meilleures citations du candidat : « le pays n’est pas aussi polarisé que notre système politique le suggère », « Il n’y a pas une Amérique de gauche et une Amérique de droite mais il y a les Etats-Unis », « Au final, c’est ce sur quoi porte cette élection, participons-nous à une politique du cynisme ou à une politique de l’espoir ? ») . Il existe même une organisation qui s’appelle « Républicains pour Obama », créée en 2006 par un ancien militaire déployé en Afghanistan, John Martin, qui voit dans Obama le président dont l’Amérique a besoin.
Si Barack est élu en novembre, on parlera alors peut-être des « Obama républicains », rangeant les « Reagan démocrates » dans la rubrique Histoire.
samedi 31 mai 2008
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