jeudi 31 janvier 2008

Reagan, es-tu là?

L’esprit de Ronald Reagan flotte sur la campagne présidentielle américaine. Côté républicain, rien de surprenant que les mânes du champion de la politique du laissez-faire soient invoqués. Mitt Romney se présente comme le successeur spirituel de celui qui a présidé au destin de l’Amérique de 1981 à 1989 mais il n’est pas le seul à se présenter comme le meilleur héritier de l’ancien président. Lors du débat républicain mercredi en Californie à la Bibliothèque présidentielle Reagan (depuis 70 ans, les présidents américains ont chacun une bibliothèque où sont conservés les documents de leur présidence), les candidats n’ont cessé d’évoquer le Grand Homme, décédé en 2004, beaucoup plus d’ailleurs que l’actuel président George W. Bush, guère populaire actuellement aux Etats-Unis (il compte sur l’Histoire pour se rattraper un jour).

Tels des disciples faisant allégeance à la veuve de l’ancien leader décédé (Nancy Reagan assistait au débat), ils ont tous chercher à montrer qu’ils étaient Reagan-compatibles. « J’ai participé à la révolution Reagan », a clamé John McCain. « Il n’y aucun doute dans mon esprit que Ronald Reagan aurait signé et voté cela », a dit Mitt Romney, qui a ensuite reproché à McCain d’avoir utilisé contre lui « des sales petits tours qu’à mon avis Ronald Reagan aurait trouvé condamnables ». Quant à Mike Huckabee, avec un ton de prédicateur, il a appelé les Américains à « retrouver l’esprit Reagan. C’est cet esprit (…) qui nous fait aimer notre pays, que nous soyons démocrates ou républicains ».

Le plus étonnant dans cette campagne, c’est que même les candidats démocrates, bien qu’ils s’en défendent, cherchent à récupérer un peu de l’héritage de Reagan, leur ennemi juré pendant des années. « Je pense que Ronald Reagan a changé la trajectoire de l’Amérique ce qui n’a pas été le cas de Richard Nixon ni de Bill Clinton. Il a nous placé sur un chemin complètement différent parce que le pays était prêt pour cela. … Il a compris ce que les gens sentaient déjà, que nous voulions de la clarté, de l’optimisme, un retour au dynamisme et à l’esprit d’entreprise qui avaient manqué », a déclaré Barack Obama au Reno Gazette-Journal.

Certains démocrates s’en sont étranglés. John Edwards, qui vient d’abandonner la compétition, a assuré qu’il n’utiliserait « jamais Ronald Reagan comme un exemple pour le changement » et accusé l’ex-président d’avoir « causé ouvertement un tort extraordinaire à la classe moyenne et à la classe ouvrière ». Open Left, un site web « d’information et d’action » progressiste en était tout retourné. « Il est extrêmement perturbant d’entendre non pas que Obama admire Reagan, mais pour quelles raisons. Reagan n’était pas un optimiste heureux encourageant l’esprit d’entreprise mais un homme politique malin qui a utilisé le reflux du mouvement des droits civiques pour catapulter les conservateurs au pouvoir », écrit Matt Stoller, l’un des fondateurs du site.

Accusé par Hillary Clinton d’avoir été positif à l’égard de Reagan, Obama a contre-attaqué en l’accusant d’avoir rendu hommage Reagan dans un livre écrit par le journaliste de télévision Tom Brokaw. « Il pouvait appeler l’Union soviétique l’empire du mal et ensuite négocier dans accords de contrôle des armements. Il savait très bien trouver un équilibre », dit-elle, citée dans le livre.

Ayant de la suite dans les idées, Obama s’est dit « impressionné » par le président français Nicolas Sarkozy, le chantre d’un dynamisme économique retrouvé, dans un entretien paru jeudi dans Paris Match. A en faire perdre son latin à la gauche intellectuelle américaine, grande supportrice d’Obama, et à la gauche française.

mercredi 30 janvier 2008

Sept ans de bonheur

Lundi, George W. Bush a prononcé son dernier discours sur l’état de l’Union. Sept ans qu’il vient chaque année faire le point devant le Congrès américain, sept ans de malheur, diront ses adversaires. Mais que retiendrons nous de W. ? Des phrases notamment, désormais célèbres. « Des Etats comme ceux-là, et leurs alliés terroristes, constituent un axe du mal, qui s’arme pour menacer la paix dans le monde ». C’était en janvier 2002 à propos de la Corée du Nord, de l’Iran et de l’Irak dans son discours sur l’état de l’Union. On se souviendra aussi de ses paroles menaçantes à l’égard d’Oussama ben Laden juste après les attentats du 11 septembre : « Je veux la justice. Et dans l’ouest il y a une vieille affiche qui dit : ‘Recherché : mort ou vif ‘ » (Wanted : Dead or Alive). On aura également eu à l’été 2003, quelques mois après le début de l’occupation de l’Irak par les troupes américaines le “qu’ils viennent se battre” (My answer is bring them on) à l’attention des Irakiens qui attaquaient les soldats américains.
Toutes ces phrases ont mal vieilli : aujourd’hui Saddam Hussein a été renversé mais l’Iran et la Corée du Nord prospèrent toujours. Oussama ben Laden n’a pas encore été trouvé, ni mort, ni vif. Et les troupes américaines sont toujours en Irak.
Mais en sept ans le président George W. Bush nous aura aussi fait rire avec ses gaffes, ses erreurs de syntaxe, etc.., ce qu’on appelle les « bushismes ». Et je ne peux m’empêcher de vous citer mes préférés :
- « Je suis honoré de serrer la main d’un courageux citoyen irakien qui a eu la main coupée par Saddam Hussein », - Washington, mai 2004 (I’m honored to shake the hand of a brave Iraqi citizen who had his hand cut off by Saddam Hussein).
- “Karyn est avec nous. Une fille de l’ouest du Texas, comme moi”, - Nashville, mai 2004 (Karyn is with us. A West Texas girl, just like me).
- Interrogeant le président brésilien Fernando Cardoso, en novembre 2001: “Est-ce que vous avez des noirs aussi ?” (Do you have blacks, too ?).
- “D’abord, permettez-moi d’être très clair, les pauvres ne sont pas nécessairement des tueurs. Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas riche que vous voulez tuer », - 2003 (First, let me make it very clear, poor people aren’t necessarily killers. Just because you happen to be not rich doesn’t mean you’re willing to kill).
- A propos de l’Afrique lors d’une visite en Suède en juin 2001 : « L’Afrique est une nation qui souffre d’une maladie incroyable » (Africa is a nation that suffers from incredible disease).
- « Ni en français, ni en anglais, ni en mexicain », en réponse à des journalistes lors d’un sommet au Canada en avril 2001 (Neither in French nor in English nor in Mexican).
- “Je ne suis pas très analytique. Vous savez je ne passe pas beaucoup de temps à réfléchir sur moi-même, sur pourquoi je fais les choses », - 2003 (I’m also not very analytical. You know I don’t spend a lot of time thinking about myself, about why I do things).
- “Vous avez trois emplois?... c’est vraiment américain, n’est ce pas? Je veux dire, c’est fantastique ce que vous faites », à une femme divorcée élevant trois enfants, à Omaha (Nebraska) en février 2005 (You work three jobs ?... Uniquely American, isn’t it ? I mean, that is fantastic that you’re doing that).
- En décembre 2005 à propos de la réception des troupes américaines en Irak: “je pense que nous sommes les bienvenus. Mais ce n’était un accueil pacifique » (I think we are welcomed. But it was not a peaceful welcome).
- « Ceux qui entrent dans le pays illégalement violent la loi », - Arizona, novembre 2005 (Those who enter the country illegally violate the law).
Finalement, sept ans de bonheur.

lundi 28 janvier 2008

Dynasties

Obama a remporté la bataille Kennedy en obtenant le soutien de trois membres de la dynastie politique la plus célèbre des Etats-Unis. Et c’est clairement un revers pour Hillary Clinton dans la course à la Maison Blanche. Plus de 44 ans après la mort du président John Fitzgerald Kennedy, abattu à Dallas le 22 novembre 1963 par Lee Harvey Oswald, et près de 40 ans après l’assassinat de son frère Robert Kennedy candidat à la présidentielle, le nom a conservé un prestige digne d’une famille royale à l’américaine.
Ted Kennedy, sénateur du Massachusetts, frère du président assassiné JFK et de Bobby Kennedy, a officiellement apporté son soutien lundi à Barack Obama, qui pourrait devenir le premier président noir des Etats-Unis. Ce soutien est d’autant plus important que Ted Kennedy, surnommé le « lion de gauche », avait l’habitude jusque-là de rester neutre lors des primaires démocrates. Caroline Kennedy, la fille de JFK, a aussi apporté son soutien à Obama, ainsi que le fils de Ted Kennedy, Patrick, représentant au Congrès de l’Etat de Rhode Island. Et Caroline n’a pas fait dans la demi-mesure : “ Je n’ai jamais eu un président qui m’a inspiré comme mon père l’a fait d’après ce que des gens m’ont dit. Pour la première fois, je pense avoir trouvé l’homme qui pourrait être ce président – pas seulement pour moi mais pour une nouvelle génération d’Américains”.
La contre-attaque de l’équipe de campagne de Hillary Clinton a été très rapide avec la publication d’une déclaration de soutien de Kathleen Kennedy Townsend, une fille de Robert Kennedy ancienne vice gouverneur de l’Etat du Maryland, mais cela fait pâle figure face au tableau de chasse d’Obama.
Le nom Kennedy reste mythique aux Etats-Unis même s’il est associé depuis quarante ans à de multiples scandales, procès et tragédies (le fils de JFK, John John, est mort en 1999, à 38 ans, dans un accident d’avion). Encore prestigieuse, la famille a perdu de son influence et Ted Kennedy, âgé de 75 ans, a passé son tour d’être président. Quant à son fils Patrick, il ne semble pas être destiné aux plus hautes fonctions. Le meilleur espoir de la famille est un républicain, Arnold Schwarzenegger, gouverneur de Californie et époux de Maria Shriver, fille d’Eunice Kennedy Shriver, sœur de JFK. Mais il ne porte pas le nom Kennedy.
Côté républicain, c’est une autre dynastie politique qui intéresse les candidats. Le frère du président George W. Bush, Jeb Bush, ancien gouverneur de Floride, est resté pour l’instant neutre dans les primaires. Selon le site web d’informations The Politico, Mitt Romney le courtise assidûment pour obtenir son soutien.
Avec deux présidents à leur actif (Bush père a présidé de 1989 à 1993), et peut-être un jour un troisième avec Jeb, à qui l’on prédit un grand avenir, les Bush battent Kennedy au baromètre dynastique. Et en plus, ce sont de vrais WASP (White anglo-saxon protestant), l’élite blanche protestante qui continue de dominer le pays, contrairement aux Kennedy aux origines catholiques irlandaises. Mais les Kennedy ont davantage une image de grande famille de la côte est des Etats-Unis. George W. Bush s’est efforcé de gommer le côté vacances chics à Kennebunkport (Maine) en jouant les cowboys texans dans son ranch de Crawford. Les barbecues cela fait moins famille royale, mais cela n’enlève rien au poids politique.
Avec Hillary, les Clinton pointent leur nez pour créer leur dynastie. Et c’est aux Américains de décider s’ils veulent une troisième famille princière.

dimanche 27 janvier 2008

Les héros ne meurent jamais

Attention, étalage de muscles en vue dans le camp républicain pour la course à la Maison Blanche. Chuck Norris, alias Cordell « Cord » Walker de la série télévisée « Walker Texas Ranger », fait campagne pour le candidat Mike Huckabee-j’ai-perdu-50-kilos. Face à lui, John McCain-j’ai-été-prisonnier-des-Viets, a décidé d’abattre son atout muscle la semaine passée : Sylvester Stallone, plus connu sur les écrans sous le nom de Rambo ou Rocky. « J’aime beaucoup McCain », a dit Stallone. « Le scénario – et la réalité – est plutôt brutal et dur comme un film d’action et on a besoin de quelqu’un qui y a été pour y faire face », a-t-il ajouté à propos de son candidat qui a passé plus de 20 ans dans l’US Navy et plusieurs années comme prisonnier de guerre des Vietnamiens.
Chuck Norris, le karatéka barbu, a tiré le premier. Il a déclaré récemment qu’à 71 ans, John McCain était trop vieux pour être président des Etats-Unis : « On a besoin de quelqu’un qui peut tenir pendant quatre ans ou huit ans… qui a la jeunesse, la vision et les talents de communicateur qui sont nécessaires pour ce poste ». « Maintenant que Sylvester Stallone m’a apporté son soutien, je vais l’envoyer s’occuper dès maintenant de Chuck Norris », a plaisanté McCain jeudi soir lors du débat républicain en Floride. Mike Huckabee, 52 ans, qui a l’âge d’être le fils de McCain, avait tenté juste avant de calmer les choses en se démarquant une nouvelle fois des propos trop musclés de son supporter venu du 7e art : « J’étais à côté de lui et je n’ai pas exprimé mon désaccord à ce moment-là, parce que j’étais à côté de lui. C’est aussi simple que cela. C’est un type qui peut vous frapper au visage avec son pied, et je ne peux rien y faire…Je ne pense pas que le sénateur McCain n’a pas les capacités pour être président. Il suffit de voir sa mère pleine de vigueur à 95 ans». Incident clos. Mais les deux stars du muscle vieillissantes (Norris et Stallone, 67 ans et 61 ans respectivement au compteur, ne sont pas eux-mêmes de la première jeunesse) vont sans doute refaire parler d’elles.
Les affaires étant les affaires, Sylvester Stallone a couplé l’annonce de son soutien à McCain avec la sortie du dernier « Rambo » le 25 janvier sur les écrans américains. On est toujours mieux servi que par soi-même. Selon le synopsis, le vétéran du Vietnam, John Rambo, qui vit en Thaïlande, réunit un groupe de mercenaires pour monter une opération de sauvetage de missionnaires chrétiens disparus alors qu’ils menaient une action humanitaire dans un village en Birmanie. Stallone a avoué dans la presse américaine qu’il avait pris de l’hormone de croissance humaine (HGH) pour améliorer son apparence physique dans le film et a déclaré qu’il ne voyait rien de mal à cela. Cela explique peut-être le slogan du film : « The heroes never die… they just reload” (Les héros de meurent jamais… Ils rechargent simplement leurs armes). Ce slogan pourrait servir à McCain, mais il évitera certainement d’utiliser l’hormone de croissance.

vendredi 25 janvier 2008

Haro sur Washington

A entendre hier soir Mitt Romney-sourire-ultrabright lors du débat républicain en Floride, tout le mal vient de Washington : « Moi, ce que je ferai, c’est de m’écarter franchement du bilan de Washington. Washington fondamentalement ne fonctionne pas. Washington nous a fait des promesses au cours des dix dernières années qu’ils n’ont pas été en mesure de tenir ». Mais, il parle de qui, de George Washington, le premier président des Etats-Unis ? Non, non, il fait référence à tous les méchants politiciens, conseillers, lobbyistes qui prospèrent dans la capitale fédérale. Heureusement que Mitt est là et il est le seul à pouvoir remettre de l’ordre, selon lui. « Et je vais aller à Washington pour changer Washington… je ne vais pas à Washington pour me faire des amis avec les politiciens ».
C’est une habitude chez beaucoup de responsables politiques américains de faire de la capitale fédérale le bouc émissaire de ce qui ne va pas aux Etats-Unis. Eux se disent proches des « vrais gens », comme on dit en France. En fait tous les candidats à la présidentielle sont entourés d’une armée de conseillers, d’experts, de spécialistes de sondages, tous fins connaisseurs des arcanes de la vie politique à Washington. Les pourfendeurs des turpides washingtoniennes aiment aussi beaucoup l’expression « inside the Beltway » (quand vous commencer à l’utiliser dans une conversation avec des amis, du genre « c’est tellement inside the Beltway ! », il est sans doute temps de quitter Washington). Cette expression, qui fait référence au périphérique qui entoure la capitale fédérale, est une façon de critiquer la faune de hauts fonctionnaires , de parlementaires, de lobbyistes et de journalistes qui peuplent Washington et se préoccupent de choses qui n’intéressent pas « les vrais gens ». « C’était quelque chose très +inside- the-Beltway+ », a dit un jour le candidat républicain John McCain cité par un journaliste du New Yorker à propos de la couverture médiatique cet été des difficultés alors rencontrées par sa campagne.
Les démocrates ne sont pas en reste. Barack Obama lors du débat démocrate lundi en Caroline du Sud, a attaqué Washington comme le modèle à ne pas suivre. « Je pense qu’en partie ce que les gens cherchent actuellement est quelqu’un qui va régler leurs problèmes et ne pas recourir aux mêmes politiques typiques que nous avons vues à Washington ». C’est sûr que pour battre Hillary Clinton dans les primaires démocrates, c’est un bon argument. D’ailleurs les républicains jeudi soir ne s’en sont pas privés. « Elle est exactement ce qui ne va pas à Washington. Je viens de dire que Washington ne fonctionne pas », a dit jeudi soir Mitt Romney à propos d’Hillary. Et d’en rajouter : « Elle est Washington au plus profond. Elle a été là-bas trop longtemps. Bill Clinton a été là-bas trop longtemps. La dernière chose dont l’Amérique a besoin est de renvoyer les Clinton à Washington ». Haro sur Washclinton donc!

mercredi 23 janvier 2008

Billary

Bill le retour. L’an dernier, Hillary le tenait à l’écart afin qu’il ne lui fasse pas d’ombre. Les conseillers de la candidate soulignaient la difficulté d’utiliser à bon escient l’ancien président dont le charisme pouvait être trop envahissant mais aussi très utile. Mais depuis quelques semaines, Bill, la bête politique, est de retour sur l’avant-scène. Face à la menace que représente Barack Obama dans la bataille des primaires démocrates, Hillary a décidé de l’utiliser à fond, tel un pit-bull. Au point que l’expression Billary a retrouvé toute son actualité et qu’on ne sait plus très bien s’il faudra ajouter un deuxième fauteuil dans le Bureau Ovale à la Maison Blanche si Hillary est élue. Tel Héraclès, Obama semble aujourd’hui affronter une hydre à deux têtes (pas encore à trois, car Chelsea Clinton est plutôt discrète). Billary a l’avantage de pouvoir être sur deux fronts à la fois. Bill fait campagne en Caroline du Sud dans la perspective de la primaire du 26 janvier, tandis que Hillary est en Californie pour préparer la suite.
« Il n’est pas là », a rétorqué lundi Hillary à Barack qui ne cessait d’évoquer le nom de son mari lors du débat démocrate en Caroline du Sud. On a pourtant le sentiment qu’il est bien là et que face à l’adversité, le couple cimenté par des années de combat politique, a décidé d’attaquer l’adversaire par tous les côtés. « Parfois, je ne peux pas dire contre qui je suis en compétition », a répondu à juste titre Obama. Hillary Clinton a beau dire à son adversaire qu’ils ont tous les deux « des conjoints passionnés et engagés » qui savent les défendre, Michelle Obama ne fait vraiment pas le poids face à Bill.
L’ex-Président a décidé, semble-t-il, de ne pas relâcher la pression. A Barack Obama qui, en plaisantant, a dit qu’il voulait vérifier les capacités de danseur de Bill Clinton pour savoir s’il avait été le « premier président noir » des Etats-Unis comme l’avait suggéré le Prix Nobel de littérature Toni Morrison, Bill le lendemain a répondu qu’il était prêt à relever le défi. « Je suis prêt à me lancer dans un concours de danse avec lui, même s’il est beaucoup plus mince et plus jeune que moi, mais seulement si on me donne un avantage en raison de l’âge », a-t-il dit. A propos, c’est qui le candidat chez les Clinton ?
Si Hillary se fait élire présidente, il est impossible d’imaginer Bill jouant le rôle de Laura Bush à la Maison Blanche. Il est encore trop jeune pour se retirer complètement de la vie politique pendant que sa femme dirige le pays. On souhaite bon courage aux conseillers de la présidente.
En attendant l’arrivée du couple à la Maison Blanche, partisans ou ennemis peuvent acheter sur l’internet des t-shirts et des tasses à l’effigie de Billary. Il y a le t-shirt “Billary Clinton, eight more years” (Billary Clinton, huit ans de plus) avec un visage composé à moitié de celui d’Hillary et à moitié de celui de Bill pour 14,95 dollars, un autre t-shirt « Billary returns, the shameless duo » (Billary est de retour, le duo scandaleux) pour le même prix, ou encore la tasse à café à 12,95 dollars avec le visage de Bill et les cheveux d’Hillary (mais là c’est pas très ressemblant).

mardi 22 janvier 2008

Brother

Certains ont pu trouver cela amusant mais la remarque de Barack Obama lundi soir lors du débat avec ses adversaires démocrates en Caroline du Sud sur la capacité des noirs à danser a suscité chez moi une petite gêne. Est-il vraiment besoin de renforcer les préjugés des blancs sur les noirs en disant cela ? Certes, venant de Barack Obama, qui pourrait devenir le premier président noir des Etats-Unis, cela ressemble davantage à une plaisanterie destinée à la communauté noire qui jouera un rôle clé dans la primaire démocrate en Caroline du Sud le 26 janvier. « Je vais devoir enquêter davantage sur les talents de danseur de Bill (rires) et sur certaines autres choses avant de juger avec exactitude s’il était vraiment un frère », a-t-il dit (I would have to, you know, investigate more of Bill's dancing abilities. You know, and some of this other stuff before I accurately judge whether he was in fact a brother). On venait de lui demander s’il pensait, comme l’écrivaine noire américaine Toni Morrison, prix Nobel de littérature (1993), que l’ancien président Bill Clinton était le “premier président noir” des Etats-Unis, en référence à ses affinités particulières avec la communauté noire.
Toni Morrison avait suscité la polémique quand elle avait fait cette remarque dans un article paru en 1998 dans le New Yorker. «La peau blanche mise à part, il s’agit de notre premier président noir. Plus noir que n’importe personne noire actuelle qui pourrait être un jour élue au cours de la vie de nos enfants. Clinton affiche presque tous les signes de la négritude : foyer monoparental, né pauvre, classe ouvrière, joueur de saxophone, garçon de l’Arkansas amateur de McDonald », écrivait-elle. « Quand le corps du président, son intimité, sa sexualité débridée sont devenus le centre de la persécution (…) le message était clair : Quelque soit ton degré d’intelligence, même si tu travailles dur, quelque soit l’argent que tu gagnes, nous te remettrons à ta place ou nous te sortirons de la position que tu as atteinte. Tu seras viré de ton travail, éloigné dans la disgrâce et, qui sait ?, peut-être condamné », écrivait-elle. Toni Morrison faisait référence à l’affaire Monica Lewinski , qui a entâché, c’est le moins que l’on puisse dire, la présidence Clinton. Obama faisait-il aussi référence à cela quand il a parlé de vérifier cet « other stuff » concernant Bill Clinton et qui ferait de lui un « frère » ?
Ce qui peut paraître étonnant concernant Obama, c’est qu’il a du mal à être accepté comme un « frère » par certains membres de la communauté noire américaine. Il a été accueilli avec distance par beaucoup d’entre eux qui soulignent que ce fils d’une Américaine blanche du Kansas et d’un Kenyan n’est pas un descendant d’esclaves. Selon eux, il n’est « pas assez noir » et donc pas un « frère ».

dimanche 20 janvier 2008

L'Effet Bradley

Mais quel est donc cet « Effet Bradley » dont on parle tant à Washington ces dernières semaines ? Il ne s’agit pas d’un nouveau phénomène climatique, physique ou électromagnétique mais d’un phénomène tout simplement… politique qui pourrait avoir un impact déterminant sur l’élection présidentielle américaine et plus particulièrement sur le destin du candidat démocrate noir Barack Obama.
« L’Effet Bradley » fait référence à la défaite en 1982 du maire noir de Los Angeles, Tom Bradley, au poste de gouverneur de Californie. Les derniers sondages avant le scrutin lui donnaient en moyenne une marge de huit points d’avance sur son adversaire blanc républicain, George Deukmejian. Mais c’est finalement Deukmejian qui a remporté l’élection d’un point. Même les premières éditions du San Francisco Chronicle titraient « La victoire de Bradley projetée ». Des recherches après l’élection ont montré que le pourcentage d’électeurs blancs ayant voté pour Bradley était inférieur au pourcentage de ceux qui avaient dit qu’ils allaient faire et que de nombreux électeurs dits indécis s’étaient finalement tournés vers Deukmejian. Le même phénomène s’est produit en Virginie en 1989 quand L. Douglas Wilder était candidat au poste de gouverneur face un adversaire blanc, Marshall Coleman. Il avait 10 points d’avance dans les sondages mais n’a finalement gagné que d’une très courte tête, moins d’un point. Selon des chercheurs qui ont étudié la question, des électeurs donneraient des réponses inexactes aux sondeurs de crainte d’apparaître comme racistes.
Barack Obama pourrait avoir été victime de ce phénomène lors de la primaire du New Hampshire où il a cédé la victoire à Hillary Clinton alors que les sondages lui donnaient une nette avance. D’après le magazine New Yorker, l’équipe de campagne d’Obama se préoccupe de cet « Effet Bradley ». Sa victoire dans l’Iowa, et donc l’absence d’ « Effet Bradley » dans ce cas, pourrait s’expliquer par l’organisation particulière du vote, sous forme de caucus, des assemblées où les électeurs expriment leur vote devant les autres alors que pour les primaires la décision est prise dans le secret de l’isoloir.
Les experts interrogés par le New Yorker, sont toutefois prudents. Selon Keith Reeves, un chercheur à Swarthmore, il n’y a pas de signes évidents d’ « Effet Bradley » dans le New Hampshire même si une des conditions qui y est associée était présente: le nombre élevé d’électeurs indécis. En 2006, certains chercheurs avaient spéculé sur un « Effet Bradley » lors de l’affrontement pour le poste de sénateur du Tennessee entre Harold Ford Jr et son adversaire blanc démocrate Bob Corker. Harold Ford Jr a perdu mais une étude des votes a montré que le pourcentage d’électeurs blancs ayant voté pour lui restait proche du pourcentage de ceux qui indiquaient qu’ils le feraient dans les sondages avant l’élection. « L’Effet Bradley » ne pourrait donc n’être qu’un mirage.

vendredi 18 janvier 2008

Hillary la tueuse

Je vous conseille de voir ou de revoir « Primary Colors ». Ce film, sorti en 1998, raconte la campagne pour la Maison Blanche d’un gouverneur démocrate du sud des Etats-Unis. Le candidat Jack Stanton (John Travolta) a du mal à calmer ses ardeurs sexuelles et est épaulé par une épouse ambitieuse et très politique (Emma Thompson). L’allusion au couple Clinton est plus qu’évidente. Le film est l’adaptation d’un livre d’un journaliste politique sur la campagne présidentielle de Bill Clinton en 1992. La fin du film est poignante. Une conseillère politique dévouée depuis des années au couple, Libby Holden (Kathy Bates), a été chargée de fouiller dans le passé du principal adversaire de Jack Stanton. Elle découvre que celui-ci a par le passé consommé de la cocaïne et a eu une relation homosexuelle. Mais elle refuse d’utiliser ces éléments pour l'éliminer. Elle laisse le choix au couple Stanton. « Que vont-ils en faire ? Je veux dire, après 25 ans, je veux voir ce qu’ils sont vraiment», dit-elle. Mais quand Libby leur présente les révélations, le couple aux dents longues n’hésite pas trop. Susan : « Le Times ? Non le Wall Street Journal. Cela fait plus autorité dans un sens. Via un intermédiaire, quelqu’un qui n’est pas associé à la campagne ». Libby proteste : « Nous ne faisons pas ce genre de choses » et rappelle à Jack qu’il avait promis quand il était jeune de faire de la politique différemment. Susan rétorque : « On était jeune. Nous ne savions pas comment le monde marchait. Maintenant nous savons ». Ce dialogue est-il prémonitoire de ce qui nous attend pour le reste des primaires ?En lisant la biographie plutôt favorable à Hillary Clinton écrite par l’ancien journaliste du Watergate, Carl Bernstein, « A Woman in charge : the life of Hillary Rodham Clinton”, la description de l’ex-Première Dame est parfois glaçante. Dans le couple, elle est celle qui montait les opérations de dénigrement de l’adversaire, sans états d’âme. Hillary prépare-t-elle un coup contre son adversaire démocrate Barack Obama ? Comme dans le cas de son alter ego dans le film, l’attaque, si elle a lieu, ne viendra pas d’elle-même ni de son équipe de campagne, mais d’un intermédiaire. C’est un groupe d’anciens de la guerre du Vietnam, Swift Boats Veterans, proche des Républicains, qui a coulé la campagne du démocrate John Kerry en 2004 en l’attaquant de façon mensongère sur ses états de service au Vietnam et en remettant en cause ses médailles.Côté républicains, John McCain, s’inquiète, selon le New York Times du 17 janvier, de devoir affronter une campagne de dénigrement dans le cadre de la primaire dans l’Etat de Caroline du Sud comme celle qu’il avait connu en 2000 face à George W. Bush. A l’époque, une campagne mensongère avait affirmé que son épouse Cindy était une droguée et que Bridget, la fille du couple adoptée dans un orphelinat de Mère Teresa au Bangladesh, était en fait un enfant noir que M. McCain aurait eu hors mariage. Cette année, un groupe appelé Vietnam Veterans Against McCain accuse John McCain, qui a été fait prisonnier pendant la guerre du Vietnam, d’avoir vendu des camarades prisonniers pour sauver sa peau. Les festivités ne font que commencer.