jeudi 26 juin 2008

Incontournable

Impossible de s’en débarrasser. Hillary Clinton a été vaincue par Barack Obama lors des primaires démocrates mais elle continue à représenter pour celui-ci un « problème » :
+ S’il la choisit pour former avec lui le « ticket » démocrate pour l’élection présidentielle, elle pourrait se montrer un peu envahissante s’ils se retrouvent tous les deux à la Maison Blanche. Avec Bill Clinton rodant dans les parages, Obama pourrait même se sentir de trop.
+ S’il ne la choisit pas, elle aura une influence au Sénat renforcée par les près de 18 millions d’électeurs lui ayant fait confiance lors des primaires. Surtout que l’un leaders démocrates les plus influents au Sénat et soutien d’Obama, Ted Kennedy, est diminué par la maladie. Kennedy, l’un des plus anciens sénateurs avec plus de 40 ans de carrière, a un cancer du cerveau diagnostiqué en mai et ses chances de survie semblent incertaines. Le sénateur John Kerry, candidat malheureux à la présidentielle de 2004 et soutien d’Obama, ne fait pas le poids. Il a perdu une élection qu’un candidat démocrate aurait dû gagner face à George W. Bush. Hillary pourrait alors transformer le Sénat dominé par les démocrates en bastion critique de l’administration Obama.

Clinton a fait mardi un retour presque triomphal au Sénat à Washington. Elle a été accueillie par quelques centaines de personnes à l’extérieur du Capitol. Mercredi, la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi a estimé qu’Hillary était « sortie de cette campagne comme la figure politique la plus respectée d’Amérique ». L’élu de New York, Charles Rangel, a aussi exprimé son enthousiasme : « Elle n’est plus seulement la femme de Bill Clinton, c’est une dirigeante nationale et internationale à part entière ».

Bob Beckel, qui a travaillé pour la campagne du candidat démocrate à la présidentielle de 1984, Walter Mondale, estime dans un article publié sur le site RealClearPolitics qu’Obama devrait choisir Clinton comme colistière. « Ce n’est même pas serré. Comparer Hillary Clinton à tous les noms qui circulent pour être le colistier de Barack Obama et la conclusion est absolument évidente ». Selon lui, les électeurs de droite américains n’ont pas besoin de Clinton (que beaucoup détestent) pour trouver la motivation d’aller voter contre Obama. Hillary Clinton peut aussi renforcer les chances d’Obama dans des Etats comme la Virginie occidentale, le Kentucky et l’Arkansas où actuellement il n’en a aucune, elle peut faire pencher la balance dans d’autres Etats comme le Nouveau Mexique, le Colorado et le Nevada et solidifier l’avantage des démocrates en Pennsylvanie et dans le Michigan. Clinton a montré qu’elle était efficace en campagne, sachant éviter les gaffes. Quant à Bill Clinton, il peut être très utile dans des régions reculées comme les Appalaches. De son côté le Washington Post, qui a pesé cette semaine les pour et les contre d’un « ticket » Obama-Clinton, juge qu’Hillary est prête pour le poste et que sa personnalité complète celle d’Obama.

Face au « problème » Clinton, Obama pourrait donc choisir d’appliquer une stratégie qui a fait ses preuves : Mieux vaut parfois s’assurer la docilité de ses rivaux en les intégrant dans son équipe plutôt que de les tenir à l’écart et les laisser constituer une force d’opposition.

mardi 24 juin 2008

Simple comme un attentat

Pourquoi parler compliqué quand quelques mots simples suffisent. C’est la leçon que vient de donner un conseiller du candidat républicain à la présidentielle John McCain. Son nom est Charlie Black et il a estimé qu’un attentat du type 11-Septembre, avec plein de morts et beaucoup de sang, serait bien utile pour assurer la victoire de McCain face au candidat démocrate Barack Obama. Cette remarque plutôt cynique lui est venue en discutant avec le magazine Fortune des atouts de McCain en matière de sécurité nationale, « Ce serait certainement un gros avantage pour lui », a-t-il estimé à propos d’une éventuelle nouvelle attaque terroriste sur le sol américain.

Charlie Black est un lobbyiste à succès, qui a travaillé pour chaque campagne présidentielle républicaine depuis 1972. De tempérament plutôt discret, il est un pivot de la politique washingtonienne. Son épouse est également une lobbyiste et elle préside le groupe des “Femmes pour McCain”. En mai, l’association progressiste Moveon.org a diffusé une publicité dans laquelle elle appelait McCain à virer Black qu’elle accuse d’avoir travaillé pour le compte des pires dictateurs de la planète, dont Mobutu (Zaïre), Ferdinand Marcos (Philippines) et Jonas Savimbi (Angola).

Mais Black est très utile à McCain. Selon le New York Times, il est à l’origine de la stratégie qui a permis le comeback du candidat lors des primaires républicaines alors que sa candidature semblait s’effondrer l’été dernier. McCain a axé tous ses efforts sur le New Hampshire. Et cela a marché. Black a ensuite assuré à McCain le soutien de leaders conservateurs au moment où le candidat était sous le feu des critiques de cette frange du parti républicain.

Le cynisme triomphant ne permettant pas de se faire élire, John McCain a rapidement réagi en disant qu’il n’était pas du tout d’accord avec son conseiller sur l’impact d’un nouveau 11-Septembre sur la campagne. Charlie Black a dû s’excuser des propos tenus. Au-delà de la polémique, on peut toutefois s’interroger sur l’effet d’un attentat sur la campagne présidentielle. Les conservateurs au pouvoir en Espagne ont perdu les élections après les attentats de Madrid en 2004 et le message d’Oussama ben Laden quelques jours avant le scrutin présidentiel américain de novembre 2004 a peut-être contribué à la victoire de George W. Bush.

samedi 21 juin 2008

C'est fini

Les supporters les plus acharnés d’Hillary Clinton ne se sont apparemment toujours pas remis de la défaite de leur candidate aux primaires démocrates face à Barack Obama. Sur cette vidéo, « Hillary man » se lamente et met tous ses espoirs dans la fille d’Hillary, Chelsea, qui a participé activement à la campagne de sa mère. La vidéo a été créée par BarelyPolitical.com, un site de production de vidéos satiriques qui a déjà produit les clips à succès d’« Obama Girl ». Il n'est pas sûr qu'"Hillary man" rencontre autant de succès.

jeudi 19 juin 2008

Foulard

Barack Obama se présente comme le candidat rassembleur d’une Amérique divisée mais la belle image a subi cette semaine un accroc quand deux femmes musulmanes portant foulard sur la tête n’ont pas été autorisées à s’asseoir dans la tribune derrière lui pour éviter qu’elles apparaissent sur des photos ou à la télévision. Une affaire un peu gênante qui a été révélée mercredi par le site d’informations The Politico.

Cela s’est passé lundi à Detroit (Michigan) lors d’un meeting électoral. “J’étais venue pour le soutenir et j’ai eu le sentiment d’être victime de discrimination de la part de la personne qui était censée apporter ce changement et avec qui je pouvais me sentir proche », a déclaré une des deux jeunes femmes Hebba Aref, une avocate âgée de 25 ans qui habite dans une banlieue de Detroit. “Le message semblait être qu’ils ne voulaient pas qu’il (Obama) se trouve associé à des musulmans ou à des supporters musulmans.” Elle était venue avec des amis et son frère. Une bénévole de la campagne leur a expliqué qu’”en raison du climat politique et de ce qui passait dans le monde et avec les musulmans américains, il n’était pas bon pour (Aref) d’être vue à la télé avec Obama”.

Le deuxième incident a impliqué une autre jeune femme portant le foulard, Shimaa Abdelfadeel, lors du même meeting. Elle était avec deux amies à qui un bénévole a proposé d’être assises derrière Obama. Mais il a précisé que Shimaa Abdelfadeel ne pouvait venir avec elles que si elle ôtait son foulard. Le bénévole a assuré que cela n’avait rien à voir avec la religion et qu’on demandait aux gens portant une casquette de la retirer s’ils voulaient être derrière Obama. Abdelfadeel a regretté que « la campagne Obama perpétue cette attitude à l’égard des musulmans et des arabes – comme si être associé à l’un d’entre eux était un péché ».

Clairement, les bénévoles ont voulu trop bien faire en s’efforçant d’éviter une association entre Obama et l’islam avec ces femmes portant le foulard. Les personnes assises derrière le candidat ne relèvent pas du hasard, elles renvoient un message sur lui. Une rumeur infondée circule depuis des mois aux Etats-Unis sur le fait que Barack Obama est musulman (il est chrétien). Elle est d’autant plus crédible auprès de certains électeurs aux préjugés antimusulmans que le deuxième prénom d’Obama est Hussein, que son père venait d’une famille musulmane, même s’il était athée, et qu’Obama a passé deux ans dans une école musulmane en Indonésie quand il était enfant. Le candidat n’a cessé de démentir cette rumeur. Mais, comme le note Ben Smith de Politico, “les démentis semblent parfois sous-entendre qu’il y a quelque chose de mauvais dans cette religion, même si Obama de temps en temps ajoute que cela ne signifie pas un manque de respect de sa part pour l’islam”.

L’équipe de campagne d’Obama s’est empressée de s’excuser auprès des deux femmes offusquées par le traitement subi, une fois l’affaire révélée. « Ce n’est, bien sûr, pas la politique de la campagne. C’est insultant et cela va à l’encontre de l’engagement d’Obama de rassembler les Américains”, a déclaré un porte-parole, Bill Burton. « Nous nous excusions sincèrement pour l’attitude de ces bénévoles ».

L’incident est toutefois révélateur des préjugés à l’égard des musulmans qui sont assez largement répandus aux Etats-Unis depuis le 11-Septembre. Les musulmans ne sont que quelques millions aux Etats-Unis (les chiffres sont imprécis), soit un pourcentage très faible de la population américaine (300 millions d’habitants). Ce sont pour la plupart des immigrants de pays arabes ou d’Asie du Sud. Mais il s’agit aussi pour un tiers d’Africains-Américains qui se sont convertis. Les musulmans aux Etats-Unis sont assez concentrés dans la région de Detroit. Des sondages montrent qu’une proportion non négligeable d’Américains a des sentiments négatifs à leur égard. Selon un sondage publié dans le magazine Newsweek en juillet 2007, 32% pensent que les Américains musulmans sont moins loyaux à l’égard des Etats-Unis que le reste de leurs compatriotes et 46% estiment que l’Amérique a trop d’immigrants musulmans. Comparés aux musulmans en Europe, les musulmans américains apparaissent pourtant mieux intégrés, selon des enquêtes. Mais, depuis le 11-Septembre, une majorité d’entre eux déclare qu’il est plus difficile d’être musulman aux Etats-Unis et ils s’inquiètent de l’ignorance et des préjugés du reste des Américains concernant l’islam.

mercredi 18 juin 2008

Summer of love

L’été 2008 sera-t-il celui de l’amour ? Les couples homosexuels californiens qui ont commencé par centaines à s’unir officiellement depuis lundi veulent y croire, quarante et un ans après le « Summer of Love ». C’était en 1967, 100.000 jeunes gens convergeaient vers le quartier de Haight-Ashbury à San Francisco qui devint l’épicentre du mouvement hippie, mélange de musique, de liberté sexuelle et de liberté d’expression. « L’été de l’amour », l’expression fait frémir les Américains les plus conservateurs et les cérémonies homosexuelles en Californie devraient être leur cauchemar estival version 2008.

Coïncidence, c’est le moment qu’a choisi l’ancien vice-président Al Gore, prix Nobel de la paix, pour apporter officiellement son soutien au candidat démocrate Barack Obama. Pendant toute la bataille des primaires entre Hillary Clinton et Obama, il était resté neutre. Il n’avait fait qu’une seule déclaration publique en janvier appelant à la légalisation du mariage homosexuel et personne n’avait compris pourquoi il faisait cette déclaration à ce moment-là de la campagne. « Je pense que le gouvernement a tort de faire une différence entre les gens en raison de leur orientation sexuelle. Je pense que les hommes et femmes homosexuels devraient avoir les mêmes droits que les hommes et femmes hétérosexuels », avait-il dit. C’était peut-être une manière de peser dans la campagne alors qu’Obama ne soutient pas le mariage gay mais affirme préférer se concentrer sur l’égalité des droits (Clinton avait la même position très prudente).

Le candidat républicain John McCain ne soutient pas non plus la légalisation du mariage gay et cela ne paraît guère étonnant. Mais il n’apparaît pas désireux de partir en croisade contre ce type d’unions. Il a besoin des électeurs modérés pour remporter l’élection de novembre et ceux-ci pourraient ne guère apprécier que ce thème soit au centre de la campagne alors qu’il y a d’autres sujets plus urgents comme la crise économique et l’Irak. Il y a quelques semaines, quand l’actrice Ellen DeGeneres, qui anime un talk-show télévisé très populaire, l’avait invité à la cérémonie de son mariage avec sa compagne, l’actrice Portia de Rossi, il n’était pas apparu très à l’aise. Il avait répété qu’il considérait que le mariage devait se limiter entre un homme et une femme mais avait estimé que « les gens devraient être en mesure de procéder à des accords légaux, notamment pour ce qui concerne les questions d’assurance ».

En 2004, le mariage gay avait été au cœur de la campagne présidentielle, alors que l’Etat du Massachusetts avait été le premier à légaliser le mariage homosexuel et que la ville de San Francisco avait violé la loi de Californie en mariant des milliers de couples gays, des unions ensuite invalidées par la Cour suprême de l’Etat. Une dizaine d’Etats avaient organisé des référendums demandant aux électeurs s’il fallait interdire les mariages homosexuels le jour du scrutin présidentiel (les Américains peuvent voter sur beaucoup de sujets différents le même jour). Selon certains experts, cela aurait permis de doper le taux de participation électorale des conservateurs qui en avaient aussi profité pour voter pour George W. Bush.

Cette année, c’est la Cour suprême de Californie qui a légalisé le mariage gay. Le gouverneur de l’Etat de New York, David Patterson, a par ailleurs déclaré que les unions homosexuelles célébrées en Californie et au Massachusetts seraient reconnues par l’Etat de New York.

L’été de l’amour reste toutefois suspendu au résultat d’un référendum en novembre en Californie organisé en même temps que le scrutin présidentiel. Les électeurs devront répondre s’ils veulent limiter la définition du mariage à une union entre un homme et une femme.

dimanche 15 juin 2008

Briseur de couples

Le candidat démocrate à la présidentielle Barack Obama a fait une nouvelle victime féminine après Hillary Clinton qu’il a battue aux primaires. Il s’agit de Rachel Keller, 27 ans. Vous ne la connaissez certainement pas mais cette jeune femme, consultante dans le domaine de la santé, chante ses mésaventures dans cette vidéo intitulée « J’ai été larguée pour Obama ». Et elle rencontre un certain succès sur YouTube. Elle a raconté aux médias américains qu’elle était sortie avec un garçon pendant environ six mois, mais leur liaison s’est interrompue brutalement car son amoureux disait être « complètement immergé dans cette campagne ». Il participait à la campagne d’Obama en tant que bénévole. « Ce n’est pas un secret avec qui tu veux sortir/Tu as prévu nos vacances dans chaque Etat indécis/…Quand il a dit qu’il y aurait du changement en 2008/J’imagine que tu pensais qu’il parlait de nous », chante Rachel avec sa guitare. Malgré ses déboires sentimentaux, elle soutient toujours Barack Obama. Mais elle ne sait pour qui va voter son nouvel amoureux et préfère que les choses soient ainsi.

vendredi 13 juin 2008

Enfin !

Le monde entier retenait son souffle depuis des mois. Mais il a finalement accepté jeudi de renoncer officiellement à sa candidature. Je parle du candidat républicain à la présidentielle Ron Paul. « Qui ça ? », me direz-vous un peu troublé. Depuis des mois, les medias américains ne parlent plus que d’un seul candidat républicain encore en lice, John McCain. J’entends déjà les médiaphobes s’exclamer que les journalistes ne sont pas objectifs et qu’ils n’ont pas traité Ron Paul à sa juste valeur. Pour être honnête, c’était la troisième fois que Paul admettait qu’il ne pouvait pas gagner l’investiture de son parti et il ne faisait plus campagne depuis des mois mais c’était la première fois qu’il mettait fin formellement à sa candidature. Et il n’a pas encore apporté son soutien à John McCain dans la course à la Maison Blanche.

Les médias ont été plus patients avec lui qu’avec Hillary Clinton, mais il est vrai que l’enjeu n’était pas le même. Clinton a pris son temps mais elle n’a eu besoin que d’une seule fois pour renoncer à sa candidature et apporter son soutien au vainqueur des primaires démocrates Barack Obama.

Ron Paul, élu du Texas au Congrès, représentait lors des primaires républicaines le courant « libertarien ». La philosophie « libertarienne » se résume en gros par le slogan : toujours moins d’Etat. Paul milite pour une politique étrangère non-interventionniste : il est contre la guerre en Irak, pour un retrait des Etats-Unis de l’OTAN et de l’ONU, pour une fermeture des bases américaines à l’étranger, pour une réduction des dépenses publiques. Il s’est constitué un réseau de soutiens sur le net et son livre « The Revolution : A Manifesto » est devenu un bestseller. Lors des primaires républicaines, il n’a jamais réussi à percer. Le 6 mars, il avait reconnu implicitement la victoire de John McCain : « McCain a le score suffisant pour gagner l’investiture… mais faire campagne seulement pour avoir le pouvoir est une chose, si vous faites campagne pour porter des idées et influencer l’avenir du pays, ce n’est jamais fini ».

Dans les mois à venir, au détour d’un paragraphe dans les journaux, peut-être aurez-vous des nouvelles de Ron Paul. Il veut poursuivre sa croisade pour une réduction du rôle de l’Etat et de l’interventionnisme de son pays à l’étranger. Il va lancer début septembre la « Campagne pour la Liberté ». « C’est la phase 2 de la révolution que cette campagne présidentielle a suscité », a déclaré le porte-parole de Paul, Jesse Benton.

mercredi 11 juin 2008

Conservatisme en péril

Le conservatisme n’a plus le vent en poupe aux Etats-Unis. Après avoir dominé pendant quarante ans la politique américaine, le mouvement idéologique porté par les présidents républicains Richard Nixon, Ronald Reagan, George Bush père et fils est arrivé au stade de l’épuisement. C’est le thème développé par le journaliste George Packer dans l’excellent article publié récemment dans le magazine New Yorker (http://www.newyorker.com/reporting/2008/05/26/080526fa_fact_packer?currentPage=all). Vu d’Europe, la politique américaine apparaissait tellement orientée à droite ces dernières décennies que la plupart des responsables politiques européens conservateurs soutenaient souvent des politiques considérées comme « de gauche » aux Etats-Unis. Etre « de gauche » (liberal en anglais) était, et est toujours, quasiment un gros mot aux Etats-Unis et les responsables politiques démocrates font en sorte d’éviter cette étiquette. Mais les cycles idéologiques ont toujours une fin et c’est ce qui arrive au conservatisme. Il est temps sans doute pour les républicains de retourner dans l’opposition. « Chez les républicains, il n’y a aucune énergie, aucune réflexion neuve, aucune capacité à saisir les inquiétudes et sentiments de millions de gens », écrit Packer.

Que le candidat républicain à l’élection présidentielle John McCain ait été choisi pour porter les couleurs du conservatisme en 2008 est assez révélateur de l’état de déliquescence du mouvement. D’abord, McCain est âgé (71 ans) et une idéologie qui a le vent en poupe est rarement portée par un responsable politique en fin de parcours. Et puis McCain est le candidat républicain le moins conservateur parmi ceux qui ont fait campagne lors des primaires. Sa candidature a suscité les réticences de la frange la plus conservatrice chez les républicains, mais comme le mouvement est affaibli , McCain a pu se faire accepter sans une trop grande résistance.

Il est frappant de constater que McCain propose les mêmes recettes économiques, estampillées « politiquement correct » chez les conservateurs, utilisées par George W. Bush et qui ont montré leurs limites : l’effroi quasiment maladif à l’égard de tout ce qui ressemble de près ou de loin à une augmentation des dépenses publiques (à l’exception de l’armée et des équipements militaires), une certitude aveugle dans le bienfait des réductions d’impôts. Sur les questions de société, McCain est partisan d’un monde immuable. La différence avec Bush est qu’il ne brandit pas sa foi religieuse (il est considéré comme peu porté sur la religion). Concernant l’Irak, il assure que c’est ce qu’il fallait faire. Mais c’est sans doute dans le domaine de la politique étrangère, qu’il connaît le mieux, qu’il se distingue le plus de Bush, dont il ne partage pas la vision messianique néo-conservatrice.

Tout cela ne ressemble guère au changement auquel aspirent les Américains selon les sondages. Les idées de la gauche américaine sont de retour sur le devant de la scène et doivent en principe assurer la victoire des démocrates à la présidentielle. Mais McCain, conservateur version allégée et vieillissante, pourrait malgré tout être considéré comme un moindre mal par les électeurs face au candidat démocrate Barack Obama. Certains Américains pourraient hésiter à élire un candidat âgé de 46 ans et ayant une maigre expérience, tandis que d’autres pourraient rejeter l’idée d’un président africain-américain.

lundi 9 juin 2008

Oppo

Oppo : le terme semble barbare et il ne correspond certainement pas à la nouvelle manière de faire de la politique dont le candidat démocrate à la présidentielle Barack Obama s’est fait le champion. Le mot est la contraction d’« opposition research » (recherche sur l’opposant) qui consiste à fouiller dans le passé de son adversaire pour déterrer quelques vérités embarrassantes soigneusement camouflées concernant vie professionnelle et vie privée. Selon le New York Times, Obama, vainqueur des primaires démocrates, a embauché Dan Carroll qui s’est rendu célèbre pour avoir monté des dossiers sur les adversaires de Bill Clinton en 1992. C’est la politique washingtonienne dans ce qu’elle a de plus traditionnelle. Mais à la guerre comme à la guerre. Si Obama ne veut pas se faire dévorer par le candidat républicain John McCain, il n’a guère le choix, même s’il doit décevoir ses partisans qui croient à une autre façon de faire de la politique.

L’oppo, dans sa version la plus classique, consiste à passer au crible le passé judiciaire, médical, universitaire, financier, privé et même la couverture médiatique de campagnes électorales antérieures de l’adversaire. Mais il y a aussi le côté sombre. L’oppo peut aller jusqu’à utiliser des méthodes illégales pour accéder à des relevés de cartes de crédit, à des relevés téléphoniques, procéder à des écoutes téléphoniques, voler des documents, pirater des ordinateurs, obtenir tout ce qui peut potentiellement nuire à l’adversaire. Après c’est au candidat et à son équipe de décider s’ils sont prêts à utiliser les informations découvertes ou en écarter une partie pour des raisons éthiques. Les informations sont alors disséminées sous forme de rumeurs, dans les médias, via internet, etc….

Lors de l’élection présidentielle américaine de 1980, l’équipe de campagne du républicain Ronald Reagan avait réussi à obtenir, dans des circonstances mystérieuses, un livre de 200 pages contenant des informations sur la stratégie de son adversaire démocrate Jimmy Carter, dans la perspective d’un débat entre les deux candidats. Le FBI (police fédérale) et le ministère de la Justice ouvrirent une enquête sur les conditions dans lesquelles le document avait été obtenu mais celle-ci n’aboutit à rien de concluant. Selon l’équipe de campagne de Carter, le document aurait été volé dans les bureaux de la Maison Blanche.

Parmi les célèbres spécialistes de l’« oppo » aux Etats-Unis, on compte Lee Atwater qui a travaillé lors de la campagne présidentielle de 1988 pour le compte du républicain George Bush père et a utilisé des méthodes moralement condamnables. Il a notamment fait réaliser un clip électoral aux relents racistes mettant en scène Willie Horton, un meurtrier en prison dans le Massachusetts ayant a commis un viol lors d’une permission du temps où l’adversaire démocrate de Bush Michael Dukakis était gouverneur de l’Etat.

Lors de campagne présidentielle de 2000 entre le républicain George W. Bush et le démocrate Al Gore, Roger Stone fut recruté par les républicains au moment du recomptage des voix dans le comté de Miami-Dade en Floride pour surveiller les opérations. Il aurait notamment organisé des manifestations qui ont entraîné l’interruption du recomptage et ainsi la victoire de Bush. Plus récemment, en novembre, Roger Stone aurait envoyé au FBI une lettre affirmant que le gouverneur démocrate de New York Eliot Spitzer aimait les prostituées et qu’il gardait ses chaussettes quand il avait des relations sexuelles. Spitzer a dû démissionner il y a quelques mois.

Il y a aussi Karl Rove, ancien conseiller du président George W. Bush et considéré comme l’architecte de son élection en 2000 et de sa réélection en 2004. Il est soupçonné d’avoir initié la campagne de diffamation contre John McCain lors de la primaire en Caroline du Sud insinuant que McCain avait un enfant noir né d’une relation hors mariage. L’équipe de Bush savait mais pas l’opinion publique que le couple McCain avait adopté une petite fille dans un orphelinat au Bangladesh. En 2004, le candidat démocrate à la présidentielle John Kerry a été une victime d’une campagne de diffamation par un groupe d’anciens de la guerre du Vietnam, Swift Boats Veterans, proche des Républicains, attaquant de façon mensongère ses états de service au Vietnam et remettant en cause ses médailles.

Dans le film « Primary Colors », qui raconte la campagne pour la Maison Blanche d’un gouverneur démocrate du sud des Etats-Unis, Jack Stanton soutenu par son épouse Susan, (allusion limpide au couple Clinton), une conseillère dévouée depuis des années au couple, Libby Holden (Kathy Bates), est chargée de fouiller dans le passé du principal adversaire de Stanton. Elle découvre que celui-ci a par le passé consommé de la cocaïne et a eu une relation homosexuelle. Mais elle refuse d’utiliser ces éléments pour l'éliminer. Elle laisse le choix au couple Stanton qui n’hésite pas trop. Susan : « Le Times ? Non le Wall Street Journal. Cela fait plus autorité dans un sens. Via un intermédiaire, quelqu’un qui n’est pas associé à la campagne ». Libby proteste : « Nous ne faisons pas ce genre de choses » et rappelle à Jack qu’il avait promis quand il était jeune de faire de la politique différemment. Susan rétorque : « On était jeune. Nous ne savions pas comment le monde marchait. Maintenant nous savons ».

samedi 7 juin 2008

L'adieu d'Hillary

Hillary Clinton a fait des adieux émouvants à ses supporters samedi lors d'un meeting à Washington au cours duquel elle a apporté son soutien officiel à son adversaire Barack Obama, vainqueur des primaires démocrates pour l'élection présidentielle de novembre.







Perles

“Quand Barack Obama parle, les hommes entendent : envole-toi vers l’avenir. Quand Hillary Clinton parle, les hommes entendent : sors les poubelles ». « Les hommes ne votent pas pour Hillary Clinton car elle leur rappelle leur femme acariâtre ». « Les hommes sont déprimés et c’est de leur propre faute car les hommes permettent aux femmes de s’emparer du monde ». « Quand elle vient à la télévision, je croise involontairement mes jambes ». Ce sont quelques uns des propos misogynes tenus par des commentateurs masculins sur des chaînes de télévision pendant la campagne des primaires démocrates. Ils ont été rassemblés par le Women’s Media Center, une association féministe, dans cette vidéo.

« Si des remarques racistes similaires avaient été proférées à l’égard d’Obama, notre pays aurait plongé dans une vague d’introspection et de honte », estime l’écrivain Judith Warner dans un point de vue publié vendredi dans le New York Times. « Dire d’une femme de pouvoir qu’elle est ‘castratrice’… devrait être considéré comme aussi insultant que de frotter ses doigts pour évoquer le goût de l’or quand vous parlez d’un juif. Ce n’est rien d’autre qu’une expression de la haine de la femme et le fait que de telles expressions aient fleuri dans les médias traditionnels et dans le cyberespace cette année constitue une réelle honte nationale», ajoute-t-elle.

Et si la vidéo ne vous suffit pas, vous pouvez toujours acheter le casse-noisettes à l’effigie d’Hillary avec les cuisses dentées. Il est vendu dans les aéroports.

vendredi 6 juin 2008

Funérailles

Hillary Clinton organise son retrait de la course à la Maison Blanche comme des funérailles nationales. D’abord, l’annonce du « décès » mardi par son adversaire Barack Obama qui a atteint le nombre fatidique de délégués nécessaires pour devenir le candidat démocrate à l’élection présidentielle de novembre. Puis les journées de deuil pour la candidate et ses supporters. Enfin, la cérémonie d’adieu prévue samedi à Washington où Hillary va annoncer son retrait officiel et son soutien à Obama.

Avec ce lent adieu, elle réussit presque à voler la vedette à Obama, dont la victoire à l’issue des primaires démocrates est pourtant un événement historique. Un pied-de-nez qui, une fois encore, a le don d’exaspérer certains supporters d’Obama. Leur acharnement à réclamer depuis février qu’elle dégage, comme si la candidature de Clinton était illégitime, n’est sans doute pas pour rien dans la mise en scène très calculée de son retrait. Dès la primaire de l’Iowa début janvier, ses ennemis clamaient qu’elle était finie. Cinq mois plus tard, Hillary Clinton, la candidate soi-disant inévitable a perdu mais elle s’est constituée une armée de supporters chez les femmes et a réussi à montrer qu’elle était davantage que l’épouse de l’ex-président Bill Clinton. Barack Obama s’est montré généreux dans son discours mardi soir et a salué avec profusion Clinton. Privilège du vainqueur.

A son tour, Obama a décidé de prendre son temps pour choisir son candidat à la vice-présidence malgré les fortes pressions de supporters de Clinton appelant à la choisir pour former le « ticket » démocrate (président et vice-président) et ressusciter ainsi leur candidate sous une autre forme. Le choix de Clinton par Obama paraît actuellement peu probable et le candidat démocrate devrait attendre que les supporters d’Hillary aient fait le deuil de leur rêve de la première femme présidente des Etats-Unis pour annoncer son choix. Un peu comme Barack il y a quelques semaines disant qu’Hillary avait le droit de continuer à faire campagne jusqu’à la fin des primaires, Clinton, qui a exprimé son intérêt pour le poste de vice-président, a désavoué ces pressions plutôt insistantes et a déclaré que le choix relevait d’Obama et « de lui seul ». Si Obama choisit Clinton, il ne voudra certainement pas donner l’impression qu’il a cédé aux pressions.

En partant la tête haute (ses ennemis disent que ce retrait interminable manque de classe), Hillary prépare l’avenir à long terme. Et si elle ne devient pas un jour la première femme présidente des Etats-Unis, elle a ouvert la voix à une autre candidate en ratant de peu l’investiture de son parti.

En attendant, à court terme, elle continue à avoir besoin d’argent, alors que sa campagne est lourdement endettée. Dans un email de remerciement à ses donateurs, le mot « contribution » continue de clignoter en rouge à la fin du message.

dimanche 1 juin 2008

Femmes en colère

« Je suis fière d’être une femme âgée. Je suis de New York City, l’Etat d’Hillary. La meilleure candidate possible. Et les démocrates vont perdre l’élection pour un homme noir pas qualifié qui n’aurait pas été candidat s’il n’y avait pas eu une femme blanche candidate. Je ne vais pas la fermer… Je ne suis pas un citoyen de seconde classe », hurle une supportrice de la candidate démocrate à la présidentielle Hillary Clinton devant des caméras samedi. « McCain sera le prochain président des Etats-Unis », ajoute-telle, en référence au candidat républicain John McCain.

Elles étaient plusieurs femmes venues samedi à Washington soutenir Clinton face à son adversaire démocrate Barack Obama et exprimer leur colère lors de la réunion du Comité des règlements du parti démocrate chargé de décider du sort des délégations de Floride et du Michigan à la Convention du parti fin août. Ces femmes sont persuadées qu’Hillary a été diabolisée par une presse dominée par des journalistes masculins imprégnés de sexisme. La presse américaine a décrit une réunion houleuse de plusieurs heures, au cours de laquelle les supporters des deux camps ont applaudi et hué.

Les deux Etats ont finalement été sanctionnés pour avoir organisé leur primaire avant la date prévue. La moitié des délégués issus de ces deux primaires ne seront pas comptés, ce qui ne fait pas l’affaire d’Hillary Clinton, qui avait remporté ces deux Etats (dans le Michigan Obama s’était retiré du scrutin).

« Quel est le degré de colère chez les femmes concernant la manière dont Hillary Clinton a été traitée pendant cette campagne ? Des femmes politiques d’envergure nationale vous diront : assez élevé », a résumé l’éditorialiste E.J. Dionne dans le Washington Post vendredi dans un article intitulé « ‘Regardez ce qu’ils lui ont fait ‘ ». Il poursuit : « Les conversations que j’ai eues cette semaine avec des femmes politiques d’envergure de tout le pays qui soutiennent Clinton suggèrent que la fureur et la déception vont au-delà de la simple manœuvre de court-terme. Dans de nombreux cas, c’est enraciné dans l’empathie ressentie par des femmes qui ont elles-mêmes brisé les barrières séparant les sexes à de multiples niveaux de la politique ».