dimanche 30 mars 2008

Insubmersible

La vague l’a fait à moitié couler. Sa tête a quasiment disparu à la surface de l’eau. Mais après quelques secondes à se débattre pour ne pas être aspirée dans les profondeurs océaniques, elle remonte, aspirant une goulée d’air. Toujours vivante. Insubmersible. Une deuxième vague claque contre son visage, mais elle réussit à garder la tête hors de l’eau cette fois-ci.
Hillary Clinton ressemble à une naufragée tombée de son navire en perdition et se battant pour survivre. Elle est toujours là à tenter de remporter l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de novembre, affichant sa certitude de gagner malgré les chiffres qui disent le contraire. Cette résistance suscite l’admiration de ses supporters et l’exaspération de ses adversaires.

Quelques notables du parti démocrate partisans de son adversaire Barack Obama, tels de méchants garnements, ont essayé ces derniers jours de lui maintenir la tête sous l’eau pour qu’elle rende les armes, en l’appelant à démissionner pour laisser leur champion voguer vers la victoire. « Il n’y a aucune chance que la sénatrice Clinton gagne assez de délégués pour décrocher l’investiture. Elle devrait se retirer et soutenir le sénateur Obama », a déclaré cette semaine le sénateur du Vermont, Patrick Leahy. Avant lui, le sénateur du Connecticut Chris Dodd et ancien candidat à la présidentielle, a aussi appelé la candidate à abandonner. Leur argument est que Clinton menace les chances des démocrates de gagner la présidentielle en perpétuant une bataille des primaires qu’elle sait avoir perdu. Malheureusement, ces appels peuvent être perçus par des électrices, qui constituent une des bases les plus solides de Clinton, comme ayant un parfum de mysogynie. Du genre : « Maintenant tu dégages, car cela devient sérieux ».

Et de toute façon, c’est mal connaître la persévérance d’Hillary Clinton. Fièrement, elle s’est emparée des attaques lors d’un meeting à Louisville, dans le Kentucky (primaire le 20 mai). « Il y a des gens qui disent que nous devrions arrêter tout simplement ces élections : ‘Suffisamment de gens ont déjà voté, qu’est ce que quelques millions de plus changeront ?’ Je ne sais pas en ce qui vous concerne mais je suis contente que le Kentucky puisse voter et que vous puissiez choisir car c’est une élection importante ».

Bill Clinton, son mari, a appelé les notables du parti démocrate à « se détendre » et laisser les primaires se poursuivre. « Partout où je vais, tout ces gens disent : ‘Ne la laissez pas abandonner. N’écoutez pas ces gens à Washington. Ils ne nous représentent pas ‘. »

Le leader du parti démocrate, Howard Dean, a tenté de trouver un compromis en appelant les deux candidats à mettre un terme à l’affrontement d’ici le 1er juillet, mais les déclarations d’Hillary Clinton samedi montrent qu’elle est prête à aller jusqu’à la Convention du parti démocrate fin août à Denver. « Je n’ai pas l’intention d’arrêter tant que nous n’avons pas fini ce que nous avons commencé et tant que nous n’avons pas vu ce qui se passe dans les dix prochaines primaires et tant que nous n’avons pas résolu la Floride et le Michigan. Et si nous ne résolvons pas cette question, nous la résoudrons à la Convention ». Les résultats des primaires de Floride et du Michigan ont été invalidés parce que le vote a été organisé plus tôt, contre l’avis du parti. Clinton a gagné ces deux primaires, même si elle était la seule à concourir dans le Michigan. Si ces résultats sont pris en compte, il n’est pas impossible qu’au final Clinton dépasse Obama en nombre de voix mais sans doute pas en termes de délégués.

Face à la résistance de son adversaire, Barack Obama a dû s’incliner samedi et appeler à la trêve. “Mon approche est que la sénatrice peut continuer à concourir aussi longtemps qu’elle le veut”.

Le marathon va donc continuer. Dans environ trois semaines, ce sera la primaire de Pennsylvanie, le 22 avril. Deux semaines plus tard, ce sera les primaires de Caroline du Nord et d’Indiana. Et ainsi de suite.

Hillary l’insubmersible a toujours la tête hors de l’eau.

vendredi 28 mars 2008

Non pitié !

Parce que Barack Obama ne pouvait pas être le seul à susciter l’émoi féminin avec son « Obama Girl » chantant « I’ve got a crush on Obama », les autoproclamées « McCain Girls » ont sorti récemment une vidéo (voir ci-dessus) intitulée « It’s raining McCain » à la gloire du candidat républicain John McCain. On vous prévient, c’est un véritable supplice à entendre. La vidéo a pourtant été déjà vue plus de 500 000 fois sur YouTube. S’agit-il d’actrices feignant l’amateurisme ? Ces McCain girls restent pour l’instant un mystère. Obama Girl s’était révélée être en fait une actrice embauchée pour le rôle et chantant en play-back.

jeudi 27 mars 2008

Ils sont où les snipers?

Comme le montrent les images de la chaîne de télévision CBS (voir vidéo ci-dessus), Hillary Clinton n’était pas sous le feu de la mitraille quand elle a atterri en Bosnie en 1996 avec sa fille Chelsea lors d’un voyage en tant que Première Dame des Etats-Unis. Pourtant, selon les médias américains, la candidate démocrate à l’élection présidentielle racontait encore récemment ses « souvenirs de guerre » : “Je me souviens très bien de ce voyage en Bosnie. Je me rappelle que nous avions atterri sous les tirs des snipers. Il devait y avoir une sorte de cérémonie d’accueil à l’aéroport mais au lieu de cela nous avions dû courir têtes baissées dans les voitures pour quitter notre base ». Hillary Clinton a reconnu cette semaine que sa mémoire lui avait apparemment fait défaut. Désormais, elle affirme qu’on lui avait alors dit qu’il y avait un risque de tirs par des snipers mais que cela ne s’était pas produit. Le résultat est que son argument de campagne selon lequel elle a plus d’expérience que son adversaire démocrate Barack Obama pour devenir le futur commandant en chef du pays a pris un coup dans l’aile.

mardi 25 mars 2008

Nation Hapa

Les Etats-Unis vont-ils devenir la « Nation Hapa » si le candidat démocrate Barack Obama est élu à la Maison Blanche ?

L’expression « hapa » vient d’Hawaï et désigne les gens aux origines métissées (littéralement half-part en anglais). Le terme se décline sous toutes les couleurs : hapa haole (en partie blanc), hapa kanaka (en partie hawaïen), hapa popolo (en partie africain-américain), hapa pilipino (en partie philippin), hapa pake (en partie chinois), hapa kolea (en partie coréen)… A l’origine, l’expression était péjorative et raciste mais son sens a été détourné et elle est désormais revendiquée avec fierté par de nombreux Hawaïens. Elle est devenue aussi populaire en Californie où les Américains ayant une ascendance asiatique sont nombreux et chez des métis de toutes origines dans le reste des Etats-Unis.

Selon les chiffres du recensement de 2000, sept millions d’Américains s’identifient comme métis. C’était la première fois qu’il était possible de s’identifier ainsi, ce qui montre combien les Etats-Unis ont encore du chemin à faire pour intégrer la notion de métissage. Hawaï est l’Etat où le pourcentage de la population déclarant appartenir à « deux races ou plus » est le plus élevé (21,4%), suivi par la Californie (4,7%, soit plus de 1,5 million de personnes), l’Etat de Washington (3,6%), l’Etat de New York (3,1%), le Texas (2,5%) et le New Jersey (2,5%). C’est la « Nation Hapa », à laquelle fait référence Peggy Orenstein dans un article publié il y a quelques jours dans le New York Times. Elle est mariée à un Japonais-Américain, avec qui elle a eu une fille. “La plupart des Américains regardant la campagne de Barack Obama, même ceux qui ne le soutiennent pas, sont sensibles à la signification historique d’un président africain-américain. Mais pour des parents comme moi, Obama, comme premier candidat métis, symbolise aussi quelque chose d’autre : l’avenir de la question raciale dans ce pays », écrit-elle.

La notion de métissage n’existe guère dans la société américaine, comme le montre l’expression « la règle d’une goutte » (the one drop rule). Cette expression signifie que si vous avez au moins un ascendant africain aussi éloigné soit-il dans votre arbre généalogique, vous êtes considéré comme noir aux Etats-Unis, même si vous êtes très clair de peau. Il faut rappeler également qu’au début des années 1960, les mariages mixtes étaient encore illégaux dans une quinzaine d’Etats américains. La création de la catégorie « métis » dans le recensement en 2000 avait suscité les critiques de la grande organisation américaine de défense des droits des noirs, la NAACP (Association nationale pour la promotion des gens de couleur), qui craignait que la communauté noire, où très peu de gens ont une ascendance à 100% africaine (l’histoire de l’esclavage, c’est aussi les viols des esclaves par les propriétaires blancs et les enfants qui en sont issus), ne pâtisse au niveau des aides financières de la création de cette nouvelle catégorie.

Né d’un père africain et d’une mère américaine blanche, Barack Obama est un métis. Mais l’appartenance à la « Hapa nation » n’a apparemment rien d’évident pour lui comme le montrent ses relations avec le pasteur Jeremiah Wright. Obama a choisi il y a 20 ans d’appartenir à une église qualifiée d’afro-centrique et dont le pasteur tient des sermons incendiaires, où il accuse notamment les blancs d’avoir inoculé le sida aux noirs.

Comme le souligne Janet Daley dans un article publié dans le quotidien britannique The Daily Telegraph, le choix d’Obama de devenir membre de cette église s’explique sans doute par son profond désir d’appartenir à un groupe. S’il s’est approprié l’histoire de la communauté noire américaine qui n’est pas celle de sa famille (l’esclavage, la ségrégation, la discrimination, la pauvreté…), c’est la conséquence, selon elle, du « besoin désespéré qu’ont les Américains de sentir qu’ils font partie d’une identité culturelle et ethnique partagée leur donnant le sentiment d’avoir des racines et une appartenance dans le vaste flux sans cesse changeant d’un pays qui est une nation mais pas un peuple ». « Il voulait une communauté qui pouvait l’envelopper et lui donner le sentiment qu’il faisait partie de quelque chose d’identifiable ».

Dans la course à la Maison Blanche, Obama s’est présenté comme issu de la "Nation Hapa » pour mieux convaincre l’électorat blanc mais ce monde métissé est encore tout petit et ne réussira peut-être jamais à véritablement percer aux Etats-Unis. Le coup de projecteur sur ses relations avec le pasteur Wright a montré qu’en réalité il a préféré s’intégrer dans la communauté noire. « Barack Obama a commencé sa campagne pour la présidence comme un candidat qui se trouvait être noir. Maintenant il est un homme noir candidat à la présidence », relève Janet Daley.

Alors, peut-être une fois élu président, Obama franchira-t-il le pas et assumera vraiment son appartenance à la « Nation Hapa ».

lundi 24 mars 2008

Théière

Expérience, expérience, expérience. Hillary Clinton n’a que ce mot à la bouche pour convaincre les électeurs américains de la choisir au lieu de Barack Obama pour représenter le parti démocrate à l’élection présidentielle de novembre. Mais, à y regarder de plus près, elle semble avoir un peu survendu cette fameuse expérience de Première Dame au temps de la présidence de son mari Bill de 1993 à 2001.

Obama en décembre s’était moqué de sa carrière internationale qui se résume surtout, selon lui, à avoir pris le thé tout en discutant de sujets anodins avec ses interlocuteurs étrangers. Perfidement, il avait déclaré que pour sa part il avait cette compréhension de la vie des gens comme sa « grand-mère qui vit dans une petite hutte en Afrique » et pas seulement « cette expérience des dirigeants du monde avec qui j’ai parlé dans la maison de l’ambassadeur où je prenais le thé ». La campagne Clinton avait immédiatement crié à la misogynie, pas complètement à tort, mais il s’agissait aussi de masquer les détails d’une expérience, certes intéressante mais pas nécessairement aussi importante que Clinton aimerait le faire croire. L’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Albright était venue à la rescousse en publiant un communiqué : « La sénatrice Clinton est allé dans des camps de réfugiés, des cliniques, des orphelinats, et des villages à travers le monde, y compris des endroits où le thé n’est pas la boisson habituelle ». De son côté, Obama ne peut guère se prévaloir d’une grande expérience des questions internationales si ce n’est sa famille issue des quatre coins du monde.

Récemment, l’équipe de Barack est revenue à la charge pour contester dans un mémo l’expérience internationale revendiquée par Hillary : « Elle n’assistait pas aux réunions du Conseil national à la sécurité… Elle n’assistait pas aux réunions dans la Salle de crise… Elle n’a jamais géré une crise de politique étrangère et il n’y a pas de preuve qu’elle ait participé au processus de décision lié à de telles crises… ». Le mémo conteste l’affirmation selon laquelle elle a aidé à apporter la paix en Irlande du Nord (« A aucun moment, elle n’a joué un rôle dans les négociations cruciales qui ont finalement abouti à la paix »), minimise le voyage qu’elle a fait en Bosnie en mars 1996 ainsi que son rôle au Kosovo ou celui concernant le génocide au Rwanda.

La publication la semaine dernière par les Archives nationales de 11.000 pages de documents concernant les activités de la First Lady Clinton (réunions, voyages, etc…) confirme ce sentiment que la candidate a un peu gonflé son CV.

Le Washington Post, qui a étudié les documents, a pris l’exemple d’un voyage en Egypte en mars 1999. Selon le journal, ce voyage est une étude de cas concernant son rôle en matière de politique étrangère lors de la présidence de son mari. Le 22 mars 1999, elle a eu ainsi à son arrivée « une conversation téléphonique de courtoisie avec le président Moubarak ». Ensuite, elle s’est rendue dans une mosquée, un musée, une clinique, un bazar, un centre de jeunesse, un projet sur l’eau, une université et le temple de Louxor. « En voyageant à travers l’Afrique du Nord, elle a consacré peu de temps aux chefs d’Etat et n’a négocié aucun accord, mais à la place elle a rencontré des responsables de la société civile, étudié les questions locales et culturelles, s’est rendue dans les principaux sites touristiques et a donné des discours sur les droits des femmes et d’autres sujets qui lui tenaient à cœur », relève le journal.

Le New York Times relève pour sa part que sa déclaration selon laquelle elle a aidé à apporter la paix en Irlande du Nord n’est pas corroborée par les documents. Elle a dit qu’elle avait participé à une réunion avec des femmes catholiques et protestantes de Belfast qui avait permis à celles-ci de reconnaître leurs points communs au lieu de leurs différences. Mais le programme de Mme Clinton à cette époque indique une brève rencontre organisée par le consulat américain dans un café à Belfast. Le journal local n’avait alors pas rapporté de réunion marquante entre femmes catholiques et protestantes mais avait raconté que Mme Clinton avait reçu en cadeau…. une théière en acier inoxydable.

La vérité sur l’expérience d’Hillary en politique étrangère est donc plus nuancée que les affirmations de sa campagne. Elle a joué un rôle plus important en tant que Première Dame que ce que dit l’équipe de campagne d’Obama mais moins que ce qu’elle cherche à faire croire.

Aux électeurs de décider, si cela lui donne une expérience dont elle peut se prévaloir ou seulement une expertise… dans l’art de prendre le thé et de picorer des petits fours.

vendredi 21 mars 2008

Les stars se font attendre

Al Gore, John Edwards, Nancy Pelosi. Quel est le point commun de ces stars du parti démocrate ? Elles n’ont pas encore apporté de soutien officiel à l’un des deux candidats démocrates encore en lice dans la course à la Maison Blanche, Barack Obama et Hillary Clinton. L’affrontement est si serré que ces poids lourds préfèrent pour l’instant rester en retrait pour laisser aux électeurs des Etats où des primaires sont encore prévues la possibilité d’exprimer leur choix.

Le gouverneur du Nouveau Mexique, Bill Richarson, seul gouverneur hispanique aux Etats-Unis, a lui sauté le pas vendredi. Richardson, qui a abandonné la course à la Maison Blanche en janvier, a apporté un soutien précieux à Obama au moment où celui-ci doit faire face à la controverse sur son ancien pasteur, le révérend Jeremiah Wright. Dans la lutte acharnée entre Hillary et Barack, cet ami des Clintons a fait son choix. Il avait déjà laissé transpirer sa préférence juste avant les primaires dans l’Ohio et le Texas en estimant que celui ou celle qui sortirait avec le plus de délégués au total à l’issue de ce vote devrait être déclaré vainqueur des primaires. Et cela ne pouvait être qu’Obama. Le soutien de Richardson est d’autant plus précieux qu’il est influent au sein des Latinos, qui ont marqué leur préférence pour l’instant pour Hillary Clinton. Et il n'a pas mesuré son ralliement. Il a estimé qu’Obama rentrait dans la catégorie des leaders que l’on rencontre une fois dans sa vie et qu’il était en mesure de « restaurer le leadership moral de l’Amérique dans le monde ».

Et les autres poids lourds ?

John Edwards est quasiment aux abonnés absents depuis son retrait de la course à la Maison Blanche en janvier. Il est apparu jeudi dans l’émission satirique de Jay Leno sur la chaîne de télévisée NBC mais il s’est gardé d’exprimer une préférence, saluant à la fois Obama et Clinton. Il s’est simplement dit étonné que la compétition continue encore. Son soutien serait précieux pour l’un ou l’autre candidat car il a gagné un petit nombre de délégués alors qu’il était en course et avait le soutien notamment des hommes blancs, une catégorie qui pourrait jouer un rôle décisif dans l’affrontement entre Hillary et Barack.

Il y a aussi Nancy Pelosi. Mais en raison de son poste, elle pourrait ne pas afficher de préférence tant que la compétition est toujours en cours. En tant que présidente de la Chambre des représentants, elle présidera en effet à la Convention du parti démocrate à Denver fin août qui choisira officiellement le candidat ou la candidate du parti pour l’élection présidentielle de novembre. Elle a pourtant donné l’impression qu’elle penchait pour Obama en disant récemment que les superdélégués, ces notables du parti qui feront pencher la balance à la Convention, devraient respecter la tendance issue des primaires, c’est-à-dire le candidat avec le plus de délégués. Et il y a de très fortes chances que cela soit Obama. Mais les médias américains ont également noté des signes de soutien à l’égard de Clinton dans l’entourage de Pelosi.

Reste Al Gore, l’ancien vice-président, candidat malheureux à la présidentielle de 2000 face à George W. Bush. Ce serait le gros lot pour Hillary et Barack, tout auréolé qu’il est du prestige de son prix Nobel de la paix. Mais il est resté neutre pour l’instant et n’a pas montré d’intention d’utiliser sa renommée pour peser dans la compétition. Lors des primaires démocrates pour la présidentielle de 2004, il avait apporté son soutien officiel à Howard Dean, qui avait finalement échoué face à John Kerry.

mardi 18 mars 2008

Corde raide

Barack Obama marche sur une corde raide à propos de son ancien pasteur, le révérend Jeremiah Wright. Mardi, il a tenté de répondre aux interrogations sur ses liens avec le révérend et il en a profité pour prononcer un grand discours sur la question raciale aux Etats-Unis salué par les commentateurs pour sa profondeur, sa complexité et sa mise en perspective historique.

Mais en termes de stratégie politique, reste à savoir si ce discours sera efficace auprès des électeurs. Rien n’est moins sûr. Alors qu’Obama cherche à ne s’aliéner personne, on retient surtout son refus de renier le pasteur Wright même s’il rejette ses propos les plus controversés.

Depuis la semaine dernière, des extraits de sermons enflammés du révérend circulent sur YouTube (voir vidéo ci-dessous). « Que Dieu maudisse l’Amérique » (au lieu du classique « Que Dieu bénisse l’Amérique »), a déclaré un jour le pasteur, qui a pris très récemment sa retraite de la Trinity United Church of Christ, dans le quartier de South Side à Chicago. “Le gouvernement leur donne des drogues, construit de plus grandes prisons, … et il veut que nous chantions ‘Que Dieu bénisse l’Amérique’. Non, non, pas Que Dieu bénisse l’Amérique. Que Dieu maudisse l’Amérique… pour tuer des gens innocents… Que Dieu maudisse l’Amérique pour ne pas traiter nos citoyens comme des êtres humains ». A d’autres occasions, Wright, qui est un apôtre de la « théologie de la libération des noirs », a aussi accusé “l ‘arrogance” des “Etats-Unis de l’Amérique blanche” d’être responsable de l’essentiel des souffrances infligées au monde, particulièrement l’oppression des noirs. Il a également déclaré que le 11-Septembre était le résultat de la politique étrangère américaine, que les Etats-Unis ont créé le sida pour maintenir le Tiers Monde dans la pauvreté. Selon lui, beaucoup de gens détestent Obama parce qu’« il n’est pas blanc, pas riche et pas privilégié » au contraire d’Hillary Clinton.

Barack Obama a désavoué à plusieurs reprises les propos du pasteur. Les déclarations de Wright sont en effet en contradiction avec le discours du candidat qui se présente en unificateur d’une nation divisée et a échappé pour l’instant à l’image de « l’homme noir en colère ». Mais face à la controverse qui monte, Obama a pris des mesures supplémentaires. Wright a été retiré la semaine dernière de son comité consultatif sur les questions religieuses.

Mardi à Philadelphie, Barack Obama a pris une nouvelle fois ses distances avec son ancien pasteur et a appelé ses concitoyens à surmonter le passé raciste de l’Amérique. Obama a reconnu qu’il avait entendu par le passé le pasteur tenir des sermons controversés. Il a répété qu’il était en profond désaccord avec de nombreuses idées politiques du révérend. Selon lui, les propos de Wright sont erronés et destinés à diviser, le pasteur faisant l’erreur de penser que la société américaine n’évolue pas.

Mais le candidat à la présidentielle a dans le même temps tenté de trouver des excuses à son mentor, affirmant qu’il connaissait une autre facette de l’homme. Obama a souligné que le titre de son livre « L’audace de l’espoir » était emprunté à un sermon de Wright, qui a marié Barack et Michelle et a baptisé leurs enfants. « Aussi imparfait qu’il puisse être, il a été comme une famille pour moi », a-t-il dit mardi. Il a comparé le pasteur à sa grand-mère blanche. « Je ne peux pas davantage le renier que je ne peux renier la communauté noire… je ne peux pas davantage le renier que je ne peux renier ma grand-mère blanche… qui a proféré à plusieurs occasions des stéréotypes racistes ou ethniques qui me hérissaient ». Il y a tout de même une différence entre sa grand-mère qu’il n’a pas choisie et un pasteur dont il a fait pendant longtemps son conseiller spirituel. Obama n’a pas non plus expliqué pourquoi il a passé 20 ans dans une église dont le pasteur tient des propos si éloignés de son discours post-racial.

Le pasteur de la controverse

lundi 17 mars 2008

J'ai fait un rêve

“J’ai fait un rêve dans lequel John McCain et Billy Idol étaient la même personne, et au lieu que John McCain passe cinq ans au Hanoi Hilton au Vietnam, John McCain/Billy Idol était simplement un chanteur punk des années 1980 », raconte sur le site web www.metaphysicalpoll.com un homme vivant en Floride.

Le site recueille des rêves qui mettent en scène les trois candidats à la présidentielle américaine de novembre toujours en lice. Il a été créé en février par Sheila Heti, une femme écrivain. « Vous pouvez me faire confiance. Je suis Canadienne. Je n’ai pas le droit de vote dans votre pays. Pas encore », écrit-elle. Elle explique qu’elle a décidé de se lancer dans l’aventure quand une amie lui a raconté qu’elle avait rêvé d’une réunion Tupperware avec Hillary Clinton. « Et c’est ainsi qu’est né ‘Je rêve d’Hillary… Je rêve de Barack’. Mais ensuite des gens sont venus détruire la parfaite unité de ce site en insistant que nous intégrions les rêves concernant John McCain », ajoute-t-elle. C’est pour cette raison que le projet s’appelle désormais The Metaphysical Poll (Le sondage métaphysique).

Certains rêves mettent en scène les deux candidats démocrates. Une jeune femme raconte : « La campagne de Barack voulait donner une mauvaise image d’Hillary Clinton en montrant une vidéo d’elle balançant Barack d’un avion. Barack a demandé à mon petit ami de s’habiller en Hillary et de le balançer d’un avion. Mon petit ami (un supporter d’Obama) a dit : « Non ! Je ne veux pas vous jeter de l’avion !” Ce à quoi Barack a répondu: “Cela ira bien pour moi, Demetri Martin m’a vendu des trampolines (Demetri Martin est mon comédien favori). Ensuite, j’étais dans l’avion et mon petit ami déguisé en Hillary s’apprêtait à balancer Barack hors de l’avion mais au lieu de cela il a eu la frousse et a dit : « Je ne peux pas faire cela ». Barack a répondu : « C’est bon. Rappelle-toi qu’il y a des trampolines. Cela ira bien pour moi”. Aussi mon petit ami a balancé Barack hors de l’avion. Alors, j’ai regardé en bas, et j’ai vu Hillary Clinton sautant sur les trampolines ».

Une mère de famille professeur de piano à Seattle se souvient de son rêve : « Je suis dans la salle de sport d’un lycée avec mon mari et beaucoup d’autres gens. Hillary Clinton et ses supporters sont à un bout de la salle et Barack Obama et ses supporters sont à l’autre bout. Mon mari et moi sommes du côté d’Hillary et Barack s’approche de nous et nous demande pourquoi nous ne sommes pas de son côté. Quand nous lui disons que nous préférons Hillary, il commence à nous expliquer suavement pourquoi il est le meilleur choix. Mon mari et moi acceptons avec réticence de lui donner notre vote, simplement pour qu’il se taise. Barack commence à rire d’un rire diabolique. Il arrache alors son visage, qui est un masque. En-dessous, il s’agit de Dick Cheney ».

Le président George W. Bush apparaît aussi dans un des rêves, mais vraiment pas à son avantage. Une femme, qui écrit des livres sur les questions de santé, raconte ainsi : « Au début de mon rêve, je savais que George Bush m’avait violée, même si je n’en avais pas fait l’expérience dans le rêve. Je nageais dans la rivière Cambodge et tous ces réfugiés étaient sur des radeaux à côté de moi. Je me sentais angoissée par le fait qu’en nageant dans la rivière, …, l’ADN de Bush serait effacé de moi et que je n’aurais pas de preuve contre lui. Je voulais désespérément atteindre l’endroit où je me dirigeais afin d’être en mesure de porter plainte contre lui, mais d’autres événements continuaient de surgir. Le premier était un barbecue avec Bill et Hillary Clinton. Je me trouvais assise à côté d’Hillary. Elle était très amicale, du genre entre copines. Je luis demandais : « Est-ce que cela ne vous énerve pas qu’ils appellent Barack Obama ‘Obama’ et vous ‘Hillary ‘ ? Elle a répondu : « Cela m’énerve vraiment ».

Reste à savoir si les rêves envoyés ont vraiment eu lieu où s’il s’agit de petites fictions. Difficile à vérifier, mais Sheila Heti demande aux lecteurs d’envoyer de « vrais rêves ». Elle a étoffé son site depuis sa création. Il y a désormais un article prévu chaque semaine analysant les rêves qui ont été collectés. « La question que nous posons est la suivante : quel rôle Barack, Hillary et John jouent dans l’inconscient collectif ?», dit-elle.

Le thérapeute jungien Raymond Hillis, professeur émérite à la California State University Los Angeles, explique ainsi que « ‘Hillary’ ou ‘Barack ‘ dans un rêve peuvent représenter beaucoup plus que seulement une candidate ou un candidat à la présidence américaine ». Chaque rêve, souligne-t-il, est lié au monde intérieur très personnel du rêveur et aussi au monde collectif. Il note ainsi parmi tous ces rêves qu’il y a un grand nombre d’images de romance et de séduction, parfois satisfaisante, parfois décevante. « Il semble qu’il y a un très fort sentiment actuellement que l’actuelle élection offre une possibilité radicalement nouvelle aux électeurs américains : la possibilité de la première femme présidente et la possibilité du premier président africain-américain ».

samedi 15 mars 2008

Racisme contre sexisme

Les thèmes de l’affrontement ont été fixés par les protagonistes. Ce sera le racisme contre le sexisme. Les candidats démocrates Barack Obama et Hillary Clinton qui se battent pour décrocher l’investiture de leur parti pour l’élection présidentielle de novembre ont de longues semaines devant eux avant la primaire de Pennsylvanie le 22 avril et il faut nourrir l’ogre médiatique et influencer les notables du parti démocrate qui pourraient être amenés à départager les deux combattants.

Les déclarations des deux candidats et encore plus celles des membres de leur équipe de campagne sont scrutées à la loupe par le camp adverse pour repérer la moindre faille. Au moindre de soupçon de racisme ou de sexisme, l’attaque fuse, jusqu’à faire rendre gorge à l’accusé et le pousser à la démission.

Ces derniers jours ont été riches en rebondissement.

Acte 1 : Hillary attaque

Déçue par la victoire de Clinton dans l’Ohio le 4 mars, une conseillère en politique étrangère de Barack Obama, Samantha Power, professeur à Havard, qualifie la candidate de « monstre ». « Vous la regardez et vous pensez, “Beurk”. Mais si vous êtes pauvre et qu’elle vous dit comment Obama va prendre votre emploi, peut-être que c’est plus efficace. Elle est énormément manipulatrice et c’est vraiment déplaisant ». « C’est un monstre… Elle se saisit de n’importe quoi », dit Mme Power à un journal écossais, The Scotsman. Selon le journaliste qui l’a interrogée, elle s’aperçoit très vite de sa bourde et tente en vain de revenir sur ses propos. Trop tard. Dès la publication des propos, la campagne Clinton s’en empare et dénonce une attaque personnelle sexiste.

Conclusion : Samantha Power démissionne de la campagne Obama, après s’être excusée pour ses propos.

Acte 2 : Obama contre-attaque

La « victime » est cette fois-ci Geraldine Ferraro, ancienne candidate à la vice-présidence en 1984 et membre de la campagne Clinton. La campagne Obama a trouvé une pépite dans un entretien qu’elle a donné à un journal local californien, The Daily Breeze of Torrance. « Si Obama était un homme blanc, il ne se trouverait pas dans cette position », a dit Ferraro, qui accuse les « médias sexistes » de se laisser séduire par l’adversaire d’Hillary. Obama dénonce immédiatement des propos « destinés à diviser » et « complètement absurdes ». « Je ne pense pas que les propos de Geraldine Ferraro ont leur place dans notre vie politique ou dans le parti démocrate ». Ses collaborateurs se répandent ensuite dans les médias pour dénoncer des propos teintés de racisme. Face à l’émoi suscité, Hillary Clinton désavoue les propos. Ferraro tente de se défendre rejetant vivement les accusations de la campagne Obama. « Chaque fois que cette campagne est contrariée par quelque chose, ils disent que c’est raciste ». Et de s’insurger : « Je ne ferai pas l’objet de discriminations parce que je suis blanche. S’ils pensent qu’ils vont faire taire Geraldine Ferraro avec ce genre de choses, ils ne me connaissent pas ». Elle maintient ses propos répétant que le succès d’Obama est dû « en partie » au fait qu’il est noir.

Conclusion : Ferraro démissionne de son poste au sein du comité financier de la campagne Clinton. Mais elle ne s’excuse pas. « La campagne Obama m’attaque pour me faire du mal. Cela ne se passera pas comme cela ».

A qui le tour ?

jeudi 13 mars 2008

Raide dingue

En ces jours moroses dominés par la démission du gouverneur de l’Etat de New York, Eliot Spitzer, ami des prostituées à 1000 dollars de l’heure, il est bon de se rappeler que les jeunes filles peuvent aussi s’enthousiasmer gratuitement pour un responsable politique. « J’ai le béguin…pour Obama » (« I got a crush on Obama ») chante l’actrice Amber Lee Ettinger, alias Obama Girl, dans une vidéo vue près de 7 millions de fois sur YouTube depuis son lancement sur le web l’été dernier. Mais cet enthousiasme pour le candidat démocrate Barack Obama s’arrête semble-t-il devant le bureau de vote. On a appris au lendemain du Super Tuesday, début février, qu’Obama Girl qui vit à New York n’avait pas voté dans l’Etat où elle est inscrite, le New Jersey. Elle a expliqué qu’elle était malade et qu’elle n’avait pas été mesure de se déplacer pour choisir son homme politique préféré. « Je suis un peu contrariée mais vraiment je ne pouvais pas », a-t-elle déclaré au New York Times. L’équipe de campagne Obama de son côté a assuré qu’elle n’avait rien à voir avec la réalisation de la vidéo. Un message à méditer par l’ex-gouverneur Spitzer.

mardi 11 mars 2008

Clintobama

La bataille entre Barack Obama et Hillary Clinton pour remporter l’investiture démocrate à l’élection présidentielle est si serrée et certains de leurs partisans si fermement attachés à leur candidat (l’élite de gauche, les jeunes et les Africains-Américains pour Obama, les femmes, les ouvriers et les Latinos pour Clinton) que le vainqueur qui sortira de ces primaires pourrait souffrir en novembre des cicatrices mal refermées de cet affrontement. C’est en tout cas ce que craignent certains démocrates qui pensent avoir trouvé une solution à ce problème insoluble : le ticket Clinton-Obama ou Obama-Clinton, les deux se mettant d’accord pour faire campagne ensemble pour devenir président et vice-président.

Mais reste à décider qui serait le leader de cet éventuel tandem. Et c’est là que cela se complique.

Hillary Clinton a ressorti l’hypothèse d’un tel tandem après sa victoire le 4 mars dans l’Ohio et le Texas, avec bien sûr l’idée qu’elle ferait campagne pour être présidente et que Barack Obama serait son colistier. « Bien sûr, nous devons décider qui est le leader de ce ticket. Et je pense que les gens de l’Ohio ont très clairement dit que cela devrait être moi », a-t-elle dit, avec aplomb. Il y a quelques jours, dans le Mississipi, elle a encore insisté devant des supporters : « Vous devez faire un choix. Beaucoup de gens souhaitent ne pas devoir en faire. Il y a des gens qui disent ‘J’aimerais pouvoir voter pour vous deux ’. Et bien, cela pourrait être possible un jour, mais d’abord j’ai besoin de votre voix mardi » (la primaire dans le Mississipi est le 11 mars).

Bill Clinton est venu en renfort, déclarant lors d’un meeting électoral : « Il (Barack) gagnerait les zones urbaines et le haut du pavé (on dirait en France les CSP+), et elle (Hillary) gagnerait les zones rurales traditionnelles que nous avons perdu quand Reagan était président. En additionnant ces deux choses, vous auriez une force pratiquement imbattable ».

Mais Obama n’est pas du tout d’accord et accuse les Clinton de la jouer tactique. D’abord, il a écarté mollement l’idée, espérant qu’elle allait mourir toute seule : « Il est très prématuré de commencer à parler d’un ticket ensemble ». Mais une semaine plus tard, l’idée circulant toujours dans le camp démocrate, il a décidé de hausser le ton. « Je ne sais pas comment quelqu’un qui est en seconde position peut offrir la vice-présidence à celui qui est à la première place », a-t-il dit lundi. « J’ai remporté plus de voix que la sénatrice Clinton. J’ai plus de délégués ». Il a rappelé que la campagne Clinton l’accuse de ne pas être prêt à diriger le pays. « Si je ne suis pas prêt, comment pourrais-je être un grand vice-président ? » La réponse ferme d’Obama montre combien la suggestion de Mme Clinton et de son époux Bill semble séduire une partie des démocrates comme solution à cette bataille qui n’en finit pas.

Obama n’a rien à gagner à parler d’un improbable ticket Obama-Clinton. Vous l’imaginez avoir Hillary et Bill à la Maison Blanche ? Ce serait un peu dur à gérer. Et puis Hillary n’a certainement pas envie de récupérer le strapontin alors qu’elle a déjà passé huit ans à la Maison Blanche en tant que Première Dame. En revanche, Hillary en offrant la vice-présidence à Barack tirerait partie de l’Obamania qui agite certains Américains et Obama pourrait se servir de ce poste comme rampe de lancement pour une nouvelle candidature à la présidence.

samedi 8 mars 2008

Que faire de Bill ?

Bill Clinton est vraiment encombrant pour Hillary. Quand il parle trop, le spectre de Billary refait surface (deux Clinton se partageant le pouvoir à la Maison Blanche). Quand il fait profil bas, on s’interroge sur sa mise à l’écart. Parce qu’il est un ancien président, ses propos sont examinés à la loupe, pratiquement autant que ceux des deux candidats démocrates Barack Obama et Hillary Clinton. Plus que Michelle Obama et Cindy McCain (l’épouse du candidat républicain John McCain), dont le manque d’expérience en politique entraîne à relativiser leurs éventuelles gaffes, Bill est jugé à l’aune de son passé.

La veille du « Second Super Tuesday », mardi 4 mars, les médias étaient d’accord pour dire que ses propos quelques semaines auparavant sur la nécessité pour Hillary Clinton de gagner l’Ohio ET le Texas si elle voulait continuer la compétition étaient une erreur qui coûterait cher à la candidate. En cas de défaite de la candidate dans l’un des deux Etats, les propos de Bill seraient utilisés par la campagne Obama pour la pousser vers la sortie. Mais, au lendemain de la victoire d’Hillary dans l’Ohio ET le Texas, les commentaires soulignaient exactement le contraire. Après s’être demandé si l’ex-président avait perdu son flair politique, les médias s’interrogeaient admiratifs sur l’impact des propos de Bill qui auraient eu pour effet d’encourager les pro-Hillary à se déplacer pour voter.

Avant de porter un jugement définitif sur le rôle de Bill dans la campagne, on retient surtout pour l’instant ses attaques contre Barack Obama, au point que les médias américains l’avaient qualifié de pit-bull d’Hillary. Juste avant la primaire du New Hampshire, il avait parlé de « conte de fée » à propos de l’opposition d’Obama à la guerre en Irak. Après la primaire en Caroline du Sud, un Etat à forte population noire, il avait comparé la victoire d’Obama à celle de Jesse Jackson il y a vingt ans, renvoyant en quelque sorte Barack à une candidature ethnique. Ces attaques auront finalement peut-être été fatales à Hillary. Elles ont en tout cas mobilisé la communauté noire derrière Obama. C’est à partir de ce moment que la campagne du jeune sénateur a véritablement pris son envol, lui permettant d’entamer le caractère soi-disant inéluctable de la candidature d’Hillary. Au point de se demander, si inconsciemment, Bill souhaite réellement la victoire de son épouse.

La question reste donc posée : Bill est-il utile à la campagne d’Hillary ? L’ex-président continue d’arpenter les Etats-Unis pour défendre la candidature de son épouse. Jeudi, il était dans le Wyoming. Vendredi, il était dans le Mississipi. Il se concentre sur les zones dites « secondaires ». Il collecte aussi de l’argent et appelle les superdélégués, utilisant son prestige d’ancien président. Les super-délégués sont ces notables du parti démocrate, dont le vote pourrait se révéler décisif lors de la convention qui décidera officiellement qui sera le candidat démocrate pour l’élection de novembre.

Mais ce n’est pas un hasard si le soir du « Second Super Tuesday », Hillary se trouvait seule, sans son mari, pour fêter sa victoire, fait remarquer Joe Klein, dans Time magazine. “Et c’est seule qu’elle peut gagner l’investiture », ajoute-t-il. Comme Hillary aime à le répéter : « Dans ma Maison Blanche, on saura qui porte le tailleur-pantalon ».

vendredi 7 mars 2008

Cendrillon

Barack Obama avait mardi soir un petit air de Cendrillon dont le carrosse se serait transformé en citrouille. Aux douze coups de minuit, l’espoir d’écraser Hillary Clinton et de décrocher l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de novembre s’était désintégré. Les discours sur le changement, l’espérance, le « Yes, we can », ont laissé place à des calculs d’apothicaire sur le nombre de délégués détenus par les deux candidats.

Barack n’avait pas la pêche à San Antonio (Texas) le soir de ce « second Super Tuesday ». Il semblait tout chose. « Et nous savons que quoiqu’il arrive cette nuit, nous avons pratiquement la même avance en terme de délégués que ce matin. Et nous sommes sur la voie de gagner cette investiture ». Pas très stimulant de la part de celui qui se dit prêt « à écrire le prochain grand chapitre de l’histoire de l’Amérique ». Visiblement, le moment est passé où il pouvait se moucher lors d’un meeting et se faire applaudir pour ce geste trivial par une foule en pâmoison. C’était il y a quelques semaines, au plus fort de l’Obamania.

Mercredi, le candidat reprenait l’argument des chiffres : « La sénatrice Clinton n’a guère entamée l’avance de délégués hier… Ce processus au final consistera à savoir qui a le plus de délégués et nous pensons que nous serons dans cette position ».

Mais, beaucoup de commentateurs politiques n’ont pas été convaincus. « Cela ne suffira pas de compter sur les chiffres et de continuer à gagner des délégués alors qu’il perd des compétitions importantes. Il se peut qu’il remporte l’investiture de cette manière, mais il perdra sa logique : qu’il représente un vague spectaculaire en faveur du changement », écrit Joe Klein dans Time magazine. Dan Baltz, dans le blog politique du Washington Post estime aussi que « l’arithmétique n’est pas message et le caractère inéluctable (de sa victoire) n’est pas plus un argument pour lui qu’il ne l’a été pour elle cet automne ». Matt Cooper, ancien journaliste à Time, renchérit sur son blog : « Maintenant Obama au lieu d’incarner l’Espoir n’est que chiffres… Ils sont maintenant en train de mettre en avant les chiffres au lieu du changement… Cette élection n’est pas fini et geindre à propos des super-délégués et des chiffres ne servira pas à grand chose ».

Et comme il faut un bouc émissaire quand on perd, Obama s’est mis à accuser les médias. Le candidat apparaît alors beaucoup moins séduisant quand il se plaint comme Hillary l’a fait au cours des dernières semaines. Mardi, avant les résultats des primaires de l’Ohio, du Texas, de Rhode Island et du Vermont, il a accusé les journalistes de s’être laissés embobinés par les récriminations de Clinton sur une presse toute en adoration à l’égard d’Obama. « Tout ce discours selon lequel la presse a été si dure à son égard et pas contre moi – je ne m’attendais pas à ce que vous mordiez à l’hameçon ».

S’imaginer que la presse allait écrire pendant encore des mois la saga de l’homme providentiel relevait de la naïveté. Bienvenue dans le monde réel !

jeudi 6 mars 2008

Hot dogs

Tiens le revoilà. On avait tendance un peu à l’oublier ces derniers temps. Le président George W. Bush a apporté mercredi son soutien à John McCain qui est sorti vainqueur des primaires républicaines. Et pourtant les deux hommes ont été des ennemis. Ils se sont affrontés durement lors des primaires de l’élection présidentielle de 2000. Bush avait battu McCain. Huit ans plus tard, c’est la revanche sur le destin pour le vétéran du Vietnam. Et en plus, sa mission est clairement, comme pour les candidats démocrates, Barack Obama et Hillary Clinton, de faire le ménage après ces années à l’ombre de W.

George a reçu John à la Maison Blanche et ils ont mangé des hot dogs. Evidemment, on se demande quelle est la signification politique de ce déjeuner si informel. A première vue, cela sent la testostérone avec un petit parfum typiquement américain. Le message à l’adresse des électeurs : Bush et McCain sont des mecs qui aiment les repas sans chichis, comme quand ils étaient jeunes et faisaient du sport. Le genre « Good ol’ boy network », une manière de se distinguer du camp d’en face (une femme et un noir). Le « good ol’ boy network », ce réseau informel de camaraderie entre hommes blancs dans le monde des affaires et la politique, n’a pas très bonne réputation aux Etats-Unis, car il est souvent perçu comme un club de WASPs (blancs protestants anglo-saxons) qui exclut les catholiques, les juifs et les minorités.

Et pourtant, Bush et McCain n’ont pas toujours été potes.

Flash-back.

Hiver 2000. John McCain et George W. Bush s’affrontent alors pour obtenir l’investiture du parti républicain. En février, McCain remporte la primaire du New Hampshire avec 49% des voix contre 30% pour Bush. La primaire de Caroline du Sud devient alors cruciale. La bataille est terrible, une des plus brutales de l’histoire politique américaine. McCain doit affronter une campagne de calomnies menées par un groupe non identifié qui diffusent des fax, emails, tracts, affirmant que son épouse Cindy est une droguée, que leur fille Bridget, adoptée dans un orphelinat de Mère Teresa au Bangladesh, est un enfant noir qu’il aurait eu hors mariage, qu’il est homosexuel et qu’il est psychologiquement instable après ses années comme prisonnier au Vietnam. La campagne Bush dément être impliqué dans ces attaques, mais Bush finalement remporte la Caroline du Sud et coupe net l’élan de McCain.

Tout est oublié en apparence aujourd’hui. McCain s’est dit très honoré de recevoir le soutien de Bush, « un homme pour qui j’ai une grande admiration, du respect et de l’affection ». Certes Bush n’est pas très populaire mais il a toujours des soutiens chez les républicains conservateurs, une catégorie plutôt sceptique à l’égard de McCain. Donc, Bush peut toujours servir et pourquoi s’en priver. « J’ai beaucoup à faire, mais je vais trouver suffisamment de temps pour aider », a dit Bush. “Je peux collecter de l’argent. S’il veut que j’affiche mon joli visage à côté de lui à l’un de ses rassemblements, je serai content de le faire ». McCain a dit que Bush était le bienvenu, mais a insisté sur le fait que le président était vraiment très occupé.

Bush peut en tout cas être reconnaissant à McCain de toujours soutenir la guerre en Irak qui hante sa présidence. Mardi soir, McCain a répété : « Je défendrai la décision de détruire le régime de Saddam Hussein comme j’ai critiqué les tactiques vouées à l’échec qui ont été employées pendant trop longtemps pour établir les conditions qui nous permettrons de quitter ce pays avec les intérêts de notre pays protégés et notre honneur intact”.

mercredi 5 mars 2008

Génération MTV

C'est le nouveau clip du musicien hip hop Will.i.am, du groupe Black Eyed Peas. Brochette de stars (Jessica Alba, Ryan Philippe, Macy Gray, etc...) pour cet hymne au candidat Barack Obama. Le clip aura-t-il le même succès que le précédent, "Yes we can", vu plus de 5,6 millions de fois sur YouTube? Les branchés d'Hollywood qui frissonnent devant Obama n'ont pas semblé émouvoir outre mesure les ménagères et ouvriers démocrates de l'Ohio et du Texas. Ils ont voté majoritairement pour Hillary Clinton.

mardi 4 mars 2008

La machine Daley

Jeune, beau, brillant orateur, Barack Obama vogue sur l’Obamania qui fait de lui l’icône du changement. La courte carrière politique du candidat à la Maison Blanche lui permet de bénéficier d’une réputation de fraîcheur qui plaît aux électeurs démocrates.

Mais cette réputation correspond-elle à la réalité ?

La ville de Chicago, le berceau politique d’Obama, sénateur de l’Illinois, a une réputation qui est loin de collée avec la fraîcheur proclamée du candidat, comme le rappelle lundi un éditorialiste du Wall Street Journal John Fund : « Les questions suivantes n’ont pas encore fait l’objet d’un examen approfondi : comment a-t-il grimpé si rapidement dans le monde politique si notoirement suspect de Chicago ? Et qui étaient ses associés ? » Et d’ajouter : « David Axelrod, le Karl Rove de M. Obama, est un rouage de longue date de la machine Daley qui domine Chicago depuis un demi-siècle. Le gouverneur Blagojevich, qui fait aussi partie de cette machine, a partagé d’importants collecteurs de fond avec M. Obama » (Pour nos lecteurs qui ne suivent pas de près la politique américaine, Karl Rove est le maestro républicain de la carte électorale qui a permis au président George W. Bush de s’installer à la Maison Blanche en 2000 et de rempiler en 2004. Il a très mauvaise réputation chez les démocrates qui l’accusent d’avoir utilisé les pires tactiques pour gagner).

Dans le monde politique américain, la « machine Daley » a une réputation sulfureuse. Cette organisation politique très efficace, souvent accusée de corruption, a été mise en place par l’ancien maire démocrate de Chicago, Richard Joseph Daley, décédé en 1976, qui est resté au pouvoir pendant 21 ans, de 1955 à 1976. Aujourd’hui, elle bénéficie à son fils aîné, Richard M. Daley, maire de Chicago depuis 1989. Par ailleurs, dans le registre dynastie politique, le frère du maire actuel, William M. Daley, a été secrétaire au Commerce du président Bill Clinton.

Dans ce contexte politique local sulfureux, les détracteurs de Barack Obama s’interrogent sur ses liens avec le promoteur Antoin « Tony » Rezko, accusé par la justice d’avoir utilisé ses relations politiques avec le gouverneur de l’Illinois, Rod Blagojevich, dans un scandale de pots-de-vin. Barack Obama n’est pas impliqué dans cette affaire mais M. Rezko l’a aidé à collecter de l’argent pour ses campagnes électorales. Surtout, Obama a acheté en 2005 sa maison à Chicago, le jour même où l’épouse de Rezko achetait le terrain adjacent au même vendeur. Quelques mois plus tard, elle revendait une partie de ce terrain à Obama pour lui permettre d’agrandir son jardin. Barack a reconnu que c’était une erreur car son ami était déjà soupçonné de malversations mais il a démenti avoir renvoyé l’ascenseur à Rezko. Il a démenti également que l’achat du terrain par Rezko lui ait permis d’acheter la maison 300 000 dollars de moins que le prix initialement demandé.

dimanche 2 mars 2008

Rions un peu

Parodie du clip vidéo diffusé par la campagne d'Hillary Clinton. Il s'agit du vrai clip vidéo, seulement la fin a été modifiée par un supporter de Barack Obama. La mystérieuse personne qui appelle la présidente Hillary en pleine nuit à la Maison Blanche est Dmitri Medvedev, le candidat à la présidentielle russe. Lors du récent débat dans l'Ohio avec Barack, la vraie Hillary a buté sur le nom de Medvedev et c'est elle qu'on entend à la fin de la parodie.

samedi 1 mars 2008

Et de cinq

Persévérant, c’est bien le mot pour qualifier Ralph Nader, candidat pour la cinquième fois à l’élection présidentielle américaine (il a déjà été candidat en 1992, 1996, 2000, 2004). « De quel côté êtes-vous ? » demande son site web à ses lecteurs, alors que les expressions « cupidité patronale, pouvoir patronal, contrôle patronal » se détachent en lettres blanches sur un ciel sombre transpercé d’éclairs. Les méchants sont désignés à la vindicte : « l’industrie de l’assurance médicale, les géants de l’agro-alimentaire, les criminels en col blanc, le nucléaire, les grandes banques, les compagnies pharmaceutiques, les démocrates amis des patrons, les pollueurs, les antisyndicats, les profiteurs de guerre, les compagnies de cartes de crédit, Wall Street, le pétrole, les républicains amis des patrons ».

Nader est né il y a 74 ans dans une famille d’immigrants libanais installés dans le Connecticut. Il est devenu célèbre en tant qu’avocat défendant la cause des consommateurs. Il a ainsi milité pour les ceintures de sécurité et les airbags dans les voitures. Il s’est battu avec succès contre la viande avariée, la pollution de l’air et de l’eau et les additifs alimentaires.

A l’élection présidentielle de 2000, il avait obtenu 2,7% des voix au niveau national. Il dément être responsable de la victoire de George W. Bush face au démocrate Al Gore mais le résultat aurait certainement été différent s’il n’avait pas été candidat. Depuis, il est détesté par un grand nombre démocrates qui l’accusent de mener des candidatures destructrices. En 2004, il n’avait obtenu que 0,3% des voix au niveau national, mais cela était dû au fait qu’il n’était officiellement que dans 34 Etats. Le parti démocrate l’avait poursuivi en justice et mis en doute les signatures sur ses pétitions dans de nombreux Etats, l’empêchant d’être présent en Californie, en Pennsylvanie, dans l’Ohio et ailleurs. Nader a récemment déposé deux plaintes, accusant le parti démocrate d’avoir comploté en 2004 pour l’empêcher d’être candidat à la présidentielle.

Interrogé sur la possibilité que sa candidature en 2008 prive d’une victoire le candidat démocrate, Barack Obama ou Hillary Clinton, face au candidat républicain John McCain, il a répondu : « Si les démocrates ne sont pas capables de gagner de manière écrasante contre les républicains cette année, ils devraient remballer leurs affaires, fermer boutique et renaître sous une forme différente ». Les démocrates espèrent que la candidature Nader n’aura pas beaucoup d’impact cette année. “Ralph Nader mérite d’être salué pour le travail qu’il a fait en tant qu’avocat des consommateurs. Mais sa fonction de candidat permanent ne met pas de la nourriture sur la table des travailleurs », selon Obama, qui lui a aussi reproché d’avoir mis sur le même plan Gore et Bush. Hillary Clinton pour sa part a jugé sa candidature « regrettable ». « Ce n’est bon pour personne, particulièrement pour notre pays ».

Ralph Nader a choisi comme colistier l’avocat et responsable politique de San Francisco, Matt Gonzalez, 42 ans, qualifié de héros régional de la gauche par le quotidien San Francisco Chronicle. Gonzalez a été président du Conseil de surveillance du comté de San Francisco. Il organisait des expos artistiques mensuelles dans son bureau à l’Hôtel de ville. En 2003, il avait été candidat au poste de maire de San Francisco mais avait perdu face à Gavin Newsom (53% contre 47%).

Matt Gonzalez a publié un point de vue cette semaine intitulé « La folie Obama : pas pour moi » : « Une partie de moi partage l’enthousiasme pour Barack Obama. Après tout, comment quelqu’un qui se qualifie de progressiste ne sentirait pas l’importance significative d’avoir un Africain-Américain si proche de la présidence ? … (Mais) son bilan indique qu’il est incapable d’initier le changement que j’aimerais voir. Il n’est qu’accommodement et concession aux puissances politiques qu’il faudrait dominer et contrer si nous voulons réaliser de vraies avancées durables.”