lundi 24 mars 2008

Théière

Expérience, expérience, expérience. Hillary Clinton n’a que ce mot à la bouche pour convaincre les électeurs américains de la choisir au lieu de Barack Obama pour représenter le parti démocrate à l’élection présidentielle de novembre. Mais, à y regarder de plus près, elle semble avoir un peu survendu cette fameuse expérience de Première Dame au temps de la présidence de son mari Bill de 1993 à 2001.

Obama en décembre s’était moqué de sa carrière internationale qui se résume surtout, selon lui, à avoir pris le thé tout en discutant de sujets anodins avec ses interlocuteurs étrangers. Perfidement, il avait déclaré que pour sa part il avait cette compréhension de la vie des gens comme sa « grand-mère qui vit dans une petite hutte en Afrique » et pas seulement « cette expérience des dirigeants du monde avec qui j’ai parlé dans la maison de l’ambassadeur où je prenais le thé ». La campagne Clinton avait immédiatement crié à la misogynie, pas complètement à tort, mais il s’agissait aussi de masquer les détails d’une expérience, certes intéressante mais pas nécessairement aussi importante que Clinton aimerait le faire croire. L’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Albright était venue à la rescousse en publiant un communiqué : « La sénatrice Clinton est allé dans des camps de réfugiés, des cliniques, des orphelinats, et des villages à travers le monde, y compris des endroits où le thé n’est pas la boisson habituelle ». De son côté, Obama ne peut guère se prévaloir d’une grande expérience des questions internationales si ce n’est sa famille issue des quatre coins du monde.

Récemment, l’équipe de Barack est revenue à la charge pour contester dans un mémo l’expérience internationale revendiquée par Hillary : « Elle n’assistait pas aux réunions du Conseil national à la sécurité… Elle n’assistait pas aux réunions dans la Salle de crise… Elle n’a jamais géré une crise de politique étrangère et il n’y a pas de preuve qu’elle ait participé au processus de décision lié à de telles crises… ». Le mémo conteste l’affirmation selon laquelle elle a aidé à apporter la paix en Irlande du Nord (« A aucun moment, elle n’a joué un rôle dans les négociations cruciales qui ont finalement abouti à la paix »), minimise le voyage qu’elle a fait en Bosnie en mars 1996 ainsi que son rôle au Kosovo ou celui concernant le génocide au Rwanda.

La publication la semaine dernière par les Archives nationales de 11.000 pages de documents concernant les activités de la First Lady Clinton (réunions, voyages, etc…) confirme ce sentiment que la candidate a un peu gonflé son CV.

Le Washington Post, qui a étudié les documents, a pris l’exemple d’un voyage en Egypte en mars 1999. Selon le journal, ce voyage est une étude de cas concernant son rôle en matière de politique étrangère lors de la présidence de son mari. Le 22 mars 1999, elle a eu ainsi à son arrivée « une conversation téléphonique de courtoisie avec le président Moubarak ». Ensuite, elle s’est rendue dans une mosquée, un musée, une clinique, un bazar, un centre de jeunesse, un projet sur l’eau, une université et le temple de Louxor. « En voyageant à travers l’Afrique du Nord, elle a consacré peu de temps aux chefs d’Etat et n’a négocié aucun accord, mais à la place elle a rencontré des responsables de la société civile, étudié les questions locales et culturelles, s’est rendue dans les principaux sites touristiques et a donné des discours sur les droits des femmes et d’autres sujets qui lui tenaient à cœur », relève le journal.

Le New York Times relève pour sa part que sa déclaration selon laquelle elle a aidé à apporter la paix en Irlande du Nord n’est pas corroborée par les documents. Elle a dit qu’elle avait participé à une réunion avec des femmes catholiques et protestantes de Belfast qui avait permis à celles-ci de reconnaître leurs points communs au lieu de leurs différences. Mais le programme de Mme Clinton à cette époque indique une brève rencontre organisée par le consulat américain dans un café à Belfast. Le journal local n’avait alors pas rapporté de réunion marquante entre femmes catholiques et protestantes mais avait raconté que Mme Clinton avait reçu en cadeau…. une théière en acier inoxydable.

La vérité sur l’expérience d’Hillary en politique étrangère est donc plus nuancée que les affirmations de sa campagne. Elle a joué un rôle plus important en tant que Première Dame que ce que dit l’équipe de campagne d’Obama mais moins que ce qu’elle cherche à faire croire.

Aux électeurs de décider, si cela lui donne une expérience dont elle peut se prévaloir ou seulement une expertise… dans l’art de prendre le thé et de picorer des petits fours.

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