mardi 18 mars 2008

Corde raide

Barack Obama marche sur une corde raide à propos de son ancien pasteur, le révérend Jeremiah Wright. Mardi, il a tenté de répondre aux interrogations sur ses liens avec le révérend et il en a profité pour prononcer un grand discours sur la question raciale aux Etats-Unis salué par les commentateurs pour sa profondeur, sa complexité et sa mise en perspective historique.

Mais en termes de stratégie politique, reste à savoir si ce discours sera efficace auprès des électeurs. Rien n’est moins sûr. Alors qu’Obama cherche à ne s’aliéner personne, on retient surtout son refus de renier le pasteur Wright même s’il rejette ses propos les plus controversés.

Depuis la semaine dernière, des extraits de sermons enflammés du révérend circulent sur YouTube (voir vidéo ci-dessous). « Que Dieu maudisse l’Amérique » (au lieu du classique « Que Dieu bénisse l’Amérique »), a déclaré un jour le pasteur, qui a pris très récemment sa retraite de la Trinity United Church of Christ, dans le quartier de South Side à Chicago. “Le gouvernement leur donne des drogues, construit de plus grandes prisons, … et il veut que nous chantions ‘Que Dieu bénisse l’Amérique’. Non, non, pas Que Dieu bénisse l’Amérique. Que Dieu maudisse l’Amérique… pour tuer des gens innocents… Que Dieu maudisse l’Amérique pour ne pas traiter nos citoyens comme des êtres humains ». A d’autres occasions, Wright, qui est un apôtre de la « théologie de la libération des noirs », a aussi accusé “l ‘arrogance” des “Etats-Unis de l’Amérique blanche” d’être responsable de l’essentiel des souffrances infligées au monde, particulièrement l’oppression des noirs. Il a également déclaré que le 11-Septembre était le résultat de la politique étrangère américaine, que les Etats-Unis ont créé le sida pour maintenir le Tiers Monde dans la pauvreté. Selon lui, beaucoup de gens détestent Obama parce qu’« il n’est pas blanc, pas riche et pas privilégié » au contraire d’Hillary Clinton.

Barack Obama a désavoué à plusieurs reprises les propos du pasteur. Les déclarations de Wright sont en effet en contradiction avec le discours du candidat qui se présente en unificateur d’une nation divisée et a échappé pour l’instant à l’image de « l’homme noir en colère ». Mais face à la controverse qui monte, Obama a pris des mesures supplémentaires. Wright a été retiré la semaine dernière de son comité consultatif sur les questions religieuses.

Mardi à Philadelphie, Barack Obama a pris une nouvelle fois ses distances avec son ancien pasteur et a appelé ses concitoyens à surmonter le passé raciste de l’Amérique. Obama a reconnu qu’il avait entendu par le passé le pasteur tenir des sermons controversés. Il a répété qu’il était en profond désaccord avec de nombreuses idées politiques du révérend. Selon lui, les propos de Wright sont erronés et destinés à diviser, le pasteur faisant l’erreur de penser que la société américaine n’évolue pas.

Mais le candidat à la présidentielle a dans le même temps tenté de trouver des excuses à son mentor, affirmant qu’il connaissait une autre facette de l’homme. Obama a souligné que le titre de son livre « L’audace de l’espoir » était emprunté à un sermon de Wright, qui a marié Barack et Michelle et a baptisé leurs enfants. « Aussi imparfait qu’il puisse être, il a été comme une famille pour moi », a-t-il dit mardi. Il a comparé le pasteur à sa grand-mère blanche. « Je ne peux pas davantage le renier que je ne peux renier la communauté noire… je ne peux pas davantage le renier que je ne peux renier ma grand-mère blanche… qui a proféré à plusieurs occasions des stéréotypes racistes ou ethniques qui me hérissaient ». Il y a tout de même une différence entre sa grand-mère qu’il n’a pas choisie et un pasteur dont il a fait pendant longtemps son conseiller spirituel. Obama n’a pas non plus expliqué pourquoi il a passé 20 ans dans une église dont le pasteur tient des propos si éloignés de son discours post-racial.

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