jeudi 28 février 2008

Farrakhan

Ce fut sans doute le moment le plus délicat pour Barack Obama lors du débat mardi à Cleveland (Ohio) avec son adversaire Hillary Clinton. Il s’en est finalement tiré avec une certaine aisance, enfermant une fois de plus Hillary dans l’amertume et les récriminations.

Obama aurait certainement préféré se passer du soutien de Louis Farrakhan, leader de la Nation de l’Islam, une organisation religieuse et politique qui combat pour la fierté de l’homme noir. « J’ai été très clair dans ma dénonciation des propos antisémites du pasteur Farrakhan. Je pense qu’ils sont inacceptables et condamnables. Je n’ai pas sollicité ce soutien. Il a dit qu’il était fier qu’un Africain-Américain apparaisse rassembler le pays. Je ne peux évidemment pas le censurer, mais ce n’est pas un soutien que j’ai cherché. »

Obama a refusé toutefois de rejeter ce soutien pour éviter sans doute de s’aliéner les partisans de Farrakhan. « Je ne peux pas dire à quelqu’un qu’il ne peut pas dire qu’il pense que je suis quelqu’un de bien ». Il s’est défendu en affirmant avoir un fort soutien au sein de la communauté juive « parce qu’ils savent que non seulement je ne tolérerais pas d’antisémitisme sous quelque forme que ce soit, mais aussi parce que je veux reconstruire la relation historique entre la communauté africaine-américaine et la communauté juive ».

Pointant le doigt là où cela fait mal, Hillary Clinton a suggéré que dans la même situation en 2000 lorsqu’elle était candidate pour le Sénat dans l’Etat de New York, elle avait rejeté le soutien d’un petit parti qui était antisémite. Clinton : « Il y a une différence entre dénoncer et rejeter ». Obama : « Je ne vois pas de différence entre dénoncer et rejeter… Mais si le mot ‘rejeter ‘ est plus fort selon la sénatrice Clinton que le mot ‘dénoncer’, alors je suis heureux de lui concéder ce point, et je rejetterais et dénoncerais ». Habile. Mais les détracteurs d’Obama y auront vu surtout la prouesse d’un brillant rhétoricien manquant toutefois de substance et cherchant à ne mécontenter personne.

Agé de 74 ans, Farrakhan, dont la santé est chancelante, est depuis 1978 à la tête de la Nation de l’Islam, dont le siège est à Chicago, la ville d’Obama. Il avait notamment organisé en 1995 à Washington une énorme manifestation rassemblant des centaines de milliers d’hommes noirs (« Million Man March »). Le leader charismatique est accusé d’avoir tenu à multiples reprises des propos racistes, homophobes et antisémites. Il aurait qualifié le judaïsme de « religion de caniveau ». En 2006, il avait déclaré : « Ces faux juifs font la promotion des saletés d’Hollywood…Ce sont les juifs malfaisants, les faux juifs qui font la promotion du lesbianisme, de l’homosexualité ».

Un éditorialiste du Washington Post, Richard Cohen, en janvier avait relevé que Barack Obama était membre de la Trinity United Church of Christ à Chicago et que le pasteur de cette église, le révérend Jeremiah A. Wright, était son conseiller spirituel. L’an dernier, le magazine créé par Wright avait estimé que Farrakhan « personnifiait vraiment la grandeur ». Selon le magazine, le pasteur Wright saluait chez Farrakhan “la profondeur de son analyse quand il s’agit des maux raciaux de cette nation » et “son intégrité et son honnêteté ». Et Cohen de s’inquiéter : “Ce sont les mots d’un homme qui a prié avec Obama juste avant que le sénateur de l’Illinois annonce sa candidature pour la présidentielle. Priera-t-il avec lui juste avant son inauguration ? »

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